Savoir abandonner

Je ne vais pas faire un constat bien nouveau : nous sommes dans une société productiviste. Nous sommes exposés à des récits de succès, de détermination face à l’adversité, de réussite. Nous baignons dans le culte de la performance. Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène, avec l’étalage de toutes ces existences en apparence parfaites, et de tous ces accomplissements rendus publics.

Même si j’estime avoir du recul par rapport à tout ça, je mentirais si je disais que je n’étais pas un peu influencée.
Il n’est pas facile pour moi d’abandonner quelque chose – un projet, une aventure, une relation. Pourtant, je sais qu’il est plus sage, parfois, de s’y résoudre. Abandonner quelque chose qui nous tient à cœur veut dire que nous lâchons prise. L’abandon peut être un apprentissage. Il est bien plus facile pour moi d’appliquer ce genre de discours en théorie plutôt qu’en pratique, mais récemment, j’ai dû m’y confronter.

Je ne parlerai pas ici d’ « échec ». Je n’aime pas ce mot. Comme si seule la binarité était envisageable. Opposée à l’échec est la réussite. Pas d’entre-deux, pas de nuances.
Pourtant, ce n’est qu’une question de point de vue. Nous choisissons nous-mêmes de considérer une expérience comme une réussite ou un échec. Mais l’avantage d’un « échec », ou plutôt d’un abandon, c’est que nous pouvons en apprendre beaucoup. Abandonner nous oblige à être humbles, à reconnaître nos erreurs et nos limites. La ligne peut être fine entre l’abandon trop rapide et trop facile, et l’abandon au moment opportun, l’abandon parce que c’est la meilleure solution. Mais l’abandon « trop facile » n’est pas le sujet de cet article.

L’abandon peut ouvrir une porte sur d’autres choses. L’abandon n’est pas la fin d’un chemin. Il en commence un autre.

Cet été, je suis partie marcher sur le Grand Tour du Morvan. Une randonnée-bivouac qui devait durer, au maximum, dix jours. Je n’avais pas réalisé de randonnée itinérante depuis l’été dernier, lors de ma Grande Traversée du Jura. J’avais hâte de débuter cette aventure.
Pourtant, avant même de commencer, je me sentais déjà fatiguée. Une fatigue physique et mentale, cumulée sur plusieurs mois, que je n’avais pas encore identifiée à ce moment-là. De plus, j’étais tombée malade juste avant de partir – une bronchite qui me provoquait d’intenses quintes de toux, et qui a duré trois bonnes semaines.

Le matin de mon départ, j’étais surexcitée. Dès que j’ai hissé mon vieux sac sur mon dos et que j’ai déplié mes bâtons de marche, mon cœur et mes poumons se sont gonflés de joie. J’étais heureuse, pleinement heureuse d’être là. Pourtant, au milieu de cette même journée, peu après avoir dépassé Vézelay, j’ai eu un gros coup de mou. Une sorte de tristesse m’a envahie, sans que je comprenne pourquoi.
Et je me suis mise à penser : « Qu’est-ce que je fais là ? »

Une telle pensée n’est pas très encourageante pour la suite. Pourtant, j’ai continué ma marche sur le Grand Tour du Morvan pendant six jours. Je ne vais pas raconter tout mon périple dans cet article de blog ; j’ai réalisé une série de vidéos sur le sujet, si jamais vous souhaitez connaître mon aventure dans les détails.

Je tiens tout de même à préciser que j’ai adoré cette randonnée, et que j’ai vécu de superbes moments. Mes nuits de bivouac étaient toutes excellentes, et j’ai éprouvé un plaisir immense en dormant au sein de la nature préservée du Morvan. Je crois que je n’ai jamais été aussi à l’aise en bivouac que pendant cette aventure.
J’ai eu l’impression que des ailes m’avaient poussé aux pieds pendant une journée entière, quand j’ai traversé la partie sud du parc naturel régional. Je me suis sentie épanouie, à ma place.

Tout ceci avec une ombre au tableau.
Parmi ces instants de joie, j’ai vécu beaucoup de moments de lassitude. Une part de moi ne comprenait toujours pas ce que je faisais là, ni pourquoi j’étais partie marcher et bivouaquer pendant dix jours, alors qu’au fond je n’avais qu’un souhait : me reposer. C’était la première fois que je ressentais une telle chose lors d’une randonnée itinérante ou d’un voyage. J’étais déroutée. Je ne parvenais pas à pleinement profiter de mon expérience, j’avais l’impression que mon projet n’avait pas de sens.

Et puis est arrivé le sixième jour, le jour où j’ai décidé d’abandonner.
Plusieurs facteurs sont entrés en compte dans ma décision. Je ne m’étais pas assez renseignée sur les possibilités de ravitaillement en chemin. Le Morvan n’est pas un endroit très touristique, et certaines zones sont presque désertes. Résultat : je n’avais plus que des flocons d’avoine sur moi, et aucun moyen de me réapprovisionner pendant deux jours.
Des orages étaient prévus dans la nuit, et je n’avais qu’un simple tarp sur moi – insuffisant pour me protéger. Les abris en dur sont difficiles à trouver dans la région, bien plus que dans le Jura ou dans les Alpes.

Je venais d’entrer dans le département de la Nièvre, le plus pauvre du Morvan. Les sentiers, même balisés, sont bien moins entretenus qu’en Saône-et-Loire et que dans l’Yonne. J’ai dû plusieurs fois me frayer un chemin à travers de denses buissons de ronces et d’orties, me retrouvant avec les jambes et les pieds lacérés. Parfois les buissons étaient infranchissables et j’étais obligée de faire demi-tour.

Tous ces facteurs se sont mêlés à ma fatigue physique et mentale déjà bien présente.
C’est à ce moment que ma mère, qui a une maison dans la Nièvre, m’a appelée pour prendre de mes nouvelles. Comprenant mon état, elle m’a proposé de venir me chercher en voiture. Un trajet qui ne lui prendrait que quarante minutes.
J’ai longuement hésité. Au départ, j’avais prévu de terminer mon Grand Tour du Morvan et d’arriver chez ma mère à pied. Cette idée me charmait beaucoup, et je m’y suis accrochée pendant ces six jours de randonnée. Mais ma mère m’a fait cette proposition, que je souhaitais, et en même temps que je craignais d’entendre.

Après une lutte intérieure de plusieurs minutes, j’ai fini par céder. J’ai accepté sa proposition.
Elle et moi avons convenu d’un point de rendez-vous, et je m’y suis rendue. Mon aventure s’est terminée au village d’Onlay.

J’étais traversée par des sentiments contradictoires. D’un côté, je me sentais soulagée d’avoir pris cette décision. Je pourrais enfin me reposer, alors que mon corps et surtout mon cœur me le réclamaient depuis un moment.
De l’autre côté, je m’en voulais. Je me disais que mes raisons d’arrêter n’étaient pas suffisantes, pas valables. Que j’étais toujours capable de marcher, que j’aurais pu me débrouiller malgré mes maigres provisions et les orages prévus dans la nuit, que je n’étais pas à l’article de la mort. Que si ma mère n’avait pas habité dans la région, je n’aurais pas eu ce choix à faire, et que j’étais certaine que je m’en serais sortie. Alors, dans ce cas, si j’en étais capable, pourquoi arrêter avant la fin du parcours ? Pour si peu ?!

Tous ces récits d’aventures extraordinaires que j’ai lus, regardés, écoutés, se bousculaient dans ma tête. Des aventurières et aventuriers sont allés au bout de dangereux périples, et moi, je n’étais même pas fichue de traverser le Morvan ! Tu parles d’une aventurière.
Et puis, je me suis rappelé ces témoignages (plus rares, certes) d’aventures avortées, à la fin prématurée. Aux projets ratés. Aux « échecs ». J’ai compris à ce moment en quoi ces récits d’abandon étaient utiles. Ils m’ont aidée à déculpabiliser.

Je pense que les abandons, les « loupés » sont bien plus fréquents que les réussites et les aboutissements. Et c’est souvent au bout de plusieurs « ratés » et d’abandons plus ou moins forcés que nous parvenons enfin à réussir quelque chose. Comme je l’ai écrit plus haut : nous pouvons beaucoup apprendre d’un « échec » ; souvent bien plus que d’une réussite.

En arrêtant ce Grand Tour du Morvan plus tôt que prévu, j’ai écouté mon cœur. Oui, mon corps aurait pu continuer. Il aurait tenu le coup, je le sais. Mais mon esprit n’était pas entièrement présent sur ce chemin. Je ne profitais pas pleinement d’être là. J’ai ressenti plus souvent de la lassitude que du plaisir. À quoi bon continuer à me forcer, si je n’éprouve pas de joie à être là ? Pour la performance ? Pour atteindre l’objectif arbitraire que je m’étais fixé ?

C’est la première fois que j’abandonne une aventure en cours de route. Ce ne sera peut-être pas la dernière. Je ne peux pas le savoir à l’avance.
L’abandon fait partie de l’existence ; les « ratés » sont inévitables et peuvent être de bons enseignants. Ce jour-là, j’ai appris à laisser tomber.
J’apprends toujours. Je trouve qu’il y a des domaines où il est plus facile d’abandonner que d’autres. Chacun ses préférences.

Je ne regrette pas d’avoir abrégé cette aventure dans le Morvan. Au fond, je sais que j’ai pris la bonne décision. Dans la maison de ma mère, j’ai pu trouver le repos dont j’avais besoin.
Cette randonnée-bivouac a été une superbe expérience pour moi. J’ai parcouru les zones qui m’intéressaient le plus. Je me suis gorgée de beaux paysages, de charmants villages et de magnifiques nuits dans la nature.

Au final, ce que je retiens de mon Grand Tour du Morvan, ce n’est pas mon abandon.
Ce sont toutes les journées qui l’ont précédé. L’abandon était juste une fin possible parmi d’autres fins, de multiples fins qui ont eu lieu dans des univers parallèles, sans doute.
La fin que j’ai choisie, même si elle était difficile à assumer, était celle qui me convenait le plus.

Cet été, je peux dire que j’ai un peu appris à abandonner.

Voyager, randonner seule… Pourquoi ?

Pourquoi est-ce que je choisis de randonner seule ? De voyager seule ?

Ce sont parfois les questions que l’on me pose. “On” englobe certaines personnes de mon entourage – bien que, depuis le temps que je pratique mes périples en solitaire, elles se sont habituées et ne me questionnent plus -, mais surtout des personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux.
Je ne décèle pas de jugement dans cette question. Plutôt de la curiosité, mêlée à de l’inquiétude ou de l’admiration, pour quelques-unes d’entre elles.

Même si de plus en plus de femmes randonnent, voyagent seules, je n’en ai pas rencontré tant que ça lors de mes aventures. Ma démarche suscite encore de l’étonnement. Que ce soit de la part de femmes ou d’hommes, j’ai reçu tous types de remarques.
Je compte en faire une vidéo dédiée sur ma chaîne YouTube, donc je ne vais pas plus en parler ici. Par contre, je peux vous raconter comment j’en suis venue à randonner et voyager seule, et pourquoi je revendique cette pratique.

Repos lors de ma marche sur la Grande Traversée du Jura

Une question de représentation

Même si j’ai vécu une enfance citadine en banlieue parisienne, j’ai eu la chance de souvent partir en vacances en famille. J’ai toujours aimé crapahuter, marcher dans la nature, découvrir de nouveaux endroits. Petite, j’avais déjà un goût prononcé pour l’aventure et l’imaginaire, enrichi par les nombreuses histoires que je lisais ou que j’écoutais sur ma radio-cassette. Même si les héroïnes aventurières n’étaient pas encore très répandues (dans mes souvenirs), je ne faisais pas la différence entre garçon et fille. Je ne me sentais pas limitée du fait que j’étais une fille, et quand j’y réfléchis, j’ai reçu une éducation très peu genrée.

Les remarques du style “cette activité est pour les filles, celle-ci est pour les garçons” me sont parvenues aux oreilles quand j’étais à l’école. Mais je ne les comprenais pas, je les trouvais insensées. C’était comme si l’on me parlait une langue étrangère. Pourquoi y aurait-il un sport pour filles et un sport pour garçons ? Pourquoi tel instrument de musique est-il connoté masculin, et tel autre féminin ? Je trouvais ça absurde, et je continue de penser que ça l’est.

Adolescente, puis jeune adulte, je me suis prise de passion pour les voyages sac au dos. Je me suis rendue dans pas mal d’endroits du monde, mais je ne partais pas seule. Soit j’étais avec des amies, soit je partais par le biais d’un organisme. À l’époque, je crois que ça ne me venait pas à l’idée de voyager en solitaire. Ce n’était même pas une question. Aucune femme de mon entourage ne partait seule, je ne lisais pas ou ne regardais pas de récits de voyages. En réalité, j’étais entourée de personnes plutôt casanières. Je me souviens seulement du merveilleux livre autobiographique Passagère du silence, de Fabienne Verdier, à qui je m’identifiais plus ou moins consciemment.

Mon voyage solo en Algarve, Portugal : ici, le cap Saint-Vincent

Le déclic est survenu durant l’été de mes vingt-cinq ans. Je ne saurais pas vraiment expliquer comment. Je pense que c’était une envie, un désir d’aventure qui était en moi depuis longtemps, mais que j’ai inconsciemment refoulé.
J’ai eu l’idée de marcher sur l’un des chemins de Compostelle les plus connus en France : la Via Podiensis (ou voie du Puy). J’en ai écrit tout un article, que vous pouvez retrouver ici. C’était une superbe expérience, qui m’a beaucoup appris sur moi-même et sur mes capacités. Mais surtout : elle m’a donné le goût de la randonnée et du voyage en solitaire. Je m’en sentais dorénavant capable, et un changement profond s’est opéré en moi.

Si je me suis aventurée seule sur ce chemin de Compostelle, c’est en partie grâce à une femme : Sylvie de RadioCamino – qui est souvent vue comme LA référence du pèlerinage vers Santiago. Plus tard, pour mes premiers bivouacs en solo, j’ai été inspirée par Suzanne de L’instant vagabond. Leurs conseils et leurs expériences prodigués sur leur chaîne YouTube et sur leur site Internet m’ont donnés envie de me lancer à mon tour.
D’autres femmes dont j’apprécie et j’admire le contenu m’ont accompagnée lors de mes autres aventures : Little Gypsy, Swann Périssé, Eva zu Beck et Sorelle Amore.
Si je parle d’elles, c’est déjà pour les remercier, car elles m’ont indirectement aidée dans mon cheminement personnel. Mais aussi, parce que j’avais enfin des représentations de femmes aventurières, libres, douées et courageuses, qui n’hésitent pas à partir seules à l’aventure, à dépasser leurs limites, à casser les codes sociaux.

Lors de mes voyages et de mes randonnées itinérantes, j’ai rencontré quelques femmes seules, mais assez peu quand j’y repense. Pourtant, je sais qu’elles existent. Je les vois de plus en plus partager leurs périples sur Internet. Ça me fait chaud au cœur. Je me dis que je fais partie de ce mouvement, que j’en suis une humble représentante.
C’est par la représentation que nos horizons s’élargissent. Que de nouvelles possibilités s’offrent à nous, et qu’elles se matérialisent dans notre réalité. Le fait de voir toutes ces femmes vivre ces aventures, selon leurs règles et leurs définitions, est inspirant. Comme je l’ai écrit plus haut, c’est en partie grâce à elles que je me suis lancée à mon tour.

Une aquarelle que j’ai faite

Un plaisir et une revendication

Voyager seule et randonner seule sont devenus un réel plaisir pour moi.
Bien sûr, à mes débuts, j’avais des peurs et des doutes qui m’assaillaient – mais qui ne m’ont jamais empêchée d’agir. Aujourd’hui, j’en ai encore, comme à chaque commencement d’aventure – car l’inconnu réveille quelques appréhensions. Mais ce n’est pas le fait de partir seule qui me met dans l’inconfort.

Plus je prends l’habitude de randonner, bivouaquer, voyager seule, plus je gagne en confiance. Je me rends de mieux en mieux compte de mes capacités et de ma débrouillardise. Je me suis étonnée moi-même plusieurs fois ; que ce soit par mon audace, ma résilience, ma force, ou des solutions que je parvenais à trouver.
Je pense que nous avons toutes et tous ces ressources en nous-même. Le fait de partir seule me permet de m’y confronter. Une fois que je suis sur le terrain, au cœur de certaines situations, je n’ai pas le choix. Et quand je n’ai pas le choix, je ne prends pas le temps de tergiverser : je dois prendre une décision rapidement.

J’aime me retrouver dans ces moments de solitude bien concrète, bien ancrée dans le réel. Dans une société occidentale où nous avons beaucoup (trop) de confort et de choix, nous pouvons nous sentir bloqués, paralysés. Nous pensons trop, nous n’agissons pas assez. Je crois que le simple fait de nous confronter au réel pur et dur, de savoir que nous devons avant tout compter sur nous-même, nous rend plus puissant et plus endurant.
J’encourage tout un chacun à sauter le pas, à oser s’aventurer dans l’inconnu, dans l’inconfort, même si l’on a peur. On peut se découvrir des ressources insoupçonnées.

Marcher seule, voyager seule est aussi une revendication pour moi. Comme je l’ai écrit précédemment, nous avons besoin de représentations, de modèles. De par ma simple démarche, et du fait de la communiquer avec autrui, je montre et je revendique qu’il est possible de faire toutes ces choses en tant que femme seule. Que nous n’avons pas besoin d’un homme pour y parvenir.
Nous pouvons avoir envie d’être avec un homme, bien sûr, mais nous n’en avons pas besoin. Là est toute la différence.

Randonnée solo en Seine-et-Marne

Est-ce que j’apprécie la compagnie ?

J’aime beaucoup rencontrer de nouvelles personnes, que ce soit au cours de mes randonnées itinérantes ou de mes voyages. D’ailleurs, je trouve que le fait d’être seule rend la rencontre plus facile.

J’ai fait de superbes rencontres lors de mes aventures. La plupart ont été éphémères, mais néanmoins marquantes et authentiques, pleines de simplicité et de partage. Mais j’ai rencontré des personnes qui sont devenues des amis, et d’autres qui sont devenues des amants. Pour moi, tout est possible, et je laisse la vie me proposer ce qu’elle a à m’offrir.
J’aime marcher en compagnie de personnes que je viens de rencontrer, discuter jusqu’au bout de la nuit avec des compagnons d’auberges de jeunesse, partager un repas avec les habitants d’un village qui m’ont invitée à leur table. C’est, pour moi, une saveur indispensable à un voyage ou à une randonnée réussis.

Il y a des moments où j’ai besoin d’être seule, où je ne suis pas d’humeur à faire des rencontres. Dans ces cas-là, je m’écoute et j’accepte ce qui se passe en moi. Mais il est rare que cette sensation dure longtemps. J’aime le contact humain, et je suis en recherche de celui-ci ; encore plus lorsque je voyage seule, car j’ai le cœur plus ouvert que d’habitude. Le fait de ne pas me trouver dans mon environnement habituel, de ne pas avoir mes habitudes du quotidien, me rend plus réceptive et plus aventureuse. Je ne regrette que rarement les rencontres que je fais. De manière générale, celles-ci se passent très bien, et j’ai même pu entrer en contact avec des personnes extraordinaires.

Enfin, pour ce qui est de partir en randonnée ou en voyage avec mes proches, la démarche est autre.
Je ne suis pas contre ; je pense même que c’est une expérience toute aussi enrichissante que de partir seule. Elle est enrichissante autrement. Différentes énergies sont déployées.
Cependant, je pense que l’on n’atteint pas le même niveau de retour à soi, de dépassement de soi, que lorsqu’on est seul. Quand on est avec un proche, on a tendance à s’accrocher à lui, à s’appuyer sur sa présence – ce qui peut être très reposant parfois. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais l’aventure n’est pas la même. À deux, ou à plusieurs, on se trouve dans une sorte de bulle confortable et rassurante. Seul, cette bulle n’existe pas, ou presque pas.
Les deux démarches sont intéressantes ; les résultats et le vécu sont différents.

Randonnée solo en Algarve, Portugal

Voilà pourquoi j’aime autant voyager et randonner seule.
J’encourage tout un chacun à l’expérimenter, au moins une fois dans sa vie. Je crois que l’on ne peut avoir que de bonnes surprises par rapport à soi-même, et qu’un potentiel incroyable peut se révéler à soi.
Il suffit d’aller le chercher.

Mon voyage au Portugal : un profond voyage intérieur

De tous les voyages que j’ai réalisés jusqu’à présent, je pense que celui au Portugal a été le plus particulier. Chaque voyage m’a marquée, bien sûr, pour des raisons différentes. Mais celui-ci a eu une saveur unique et étrange.
Je suis partie dans un drôle d’état d’esprit. Différentes choses se passaient dans ma vie privée, qui me chamboulaient.
Mais aussi, je partais sans m’être vraiment renseignée au préalable sur le pays que je comptais découvrir pendant un mois. Au contraire de mon voyage en Roumanie, où j’avais pioché pas mal d’informations pour naviguer en toute sérénité, j’allais au Portugal presque à l’aveuglette. Je voyais à peu près où je souhaitais me rendre, quels endroits pourraient être intéressants pour moi, mais ça s’arrêtait là. Je comptais improviser au fur et à mesure de mes envies et de mon intuition.

J’ai choisi d’aller au Portugal en train, en prenant un pass Interrail. Je souhaitais éviter de m’y rendre en avion, qui est de loin le moyen de transport le plus polluant ; mais aussi, je voulais véritablement ressentir le voyage. Voir le paysage défiler devant mes yeux, expérimenter la lenteur (relative) du train, les distances, l’effort que ça demande de se rendre dans un autre pays. Ce n’est pas anodin de voyager ; et l’avion, de par sa rapidité, peut nous déconnecter de la géographie du monde.
Je souhaitais m’imprégner de cette géographie.

Déconnexion

Comme je l’ai écrit plus haut, j’étais dans un état d’esprit particulier avant même de commencer ce périple. Je sentais que des choses importantes se passaient en moi, que des verrous étaient en train de sauter, que d’anciens schémas de fonctionnement étaient en train d’être questionnés et balayés. J’étais à fleur de peau. Je suis déjà une hypersensible ; mais là, mes émotions étaient exacerbées. Et je faisais en sorte de ne pas les fuir.

En voyageant seule, je ne pouvais pas me distraire avec la présence de quelqu’un d’autre. J’ai poussé la démarche encore plus loin, en m’imposant de ne presque pas aller sur les réseaux sociaux – et notamment Instagram. Ces derniers temps, je m’étais sentie tomber dans une sorte de dépendance malsaine à ces plateformes. Je m’y connectais trop à mon goût, je guettais un peu trop les notifications, et je regardais trop souvent les statistiques de mon compte. Ça ne me plaisait pas. Je voyais que j’essayais de combler un vide, mais il était nécessaire que je regarde ce vide en face.
Un mois de voyage en solo. Me retrouver dans un pays que je ne connaissais pas ; obligée d’être dans l’instant présent. J’ai choisi cette discipline, j’ai choisi de ne pas me fuir. C’est difficile, quand les émotions que l’on ressent sont désagréables, inconfortables. Mais c’est une démarche essentielle si l’on souhaite progresser et se libérer de schémas qui entravent son propre épanouissement.

Besoin d’être seule

De fait, pendant ce mois au Portugal, j’ai très souvent ressenti le besoin d’être seule. Je n’ai séjourné que quelques nuits en auberges de jeunesse, à Lisbonne et à Faro. J’ai logé dans une maison en colocation quand j’étais à Monchique, mais j’avais ma propre chambre et j’y passais beaucoup de temps – d’autant plus que la météo maussade à ce moment de mon voyage n’aidait pas à avoir envie de sortir. Pour le reste, que ce soit à Lagos, Sagres ou Ferragudo, je me suis payé des appartements individuels.
Je ne suis allée dans aucun restaurant ni bar (sauf une fois, à Lisbonne). Pourtant, d’habitude, j’aime me rendre dans ces endroits. Mais je sentais que je n’avais envie de parler à personne – et même les quelques fois où j’ai pu être tentée de sortir le soir, je me suis rétractée.
Ça peut sembler dommage, quand on visite un pays étranger, de ne presque pas avoir de contact avec les locaux, ni de goûter aux spécialités culinaires locales. Tant pis. J’ai préféré m’écouter et ne pas me forcer.

J’ai profité de ces nombreux moments de solitude pour me balader au sein d’une superbe nature sauvage. J’ai parcouru de beaux chemins de randonnée, comme le sentier des pêcheurs vers le cap Saint-Vincent, ou le Caminho dos Promontórios. Je me suis ressourcée en me posant sur le sable des magnifiques plages de l’Algarve, face aux vagues de l’océan Atlantique.
Et quand je me retrouvais seule dans les appartements que j’ai loués, j’en profitais pour faire des séances de Pilates ou de yoga, pour travailler sur le montage de mes vidéos, ou pour me cuisiner de bons petits plats.
Ce temps pour moi était indispensable pour mon bien-être.
Je réfléchissais beaucoup, je ruminais parfois un peu trop – quand on est seul, il est difficile d’y échapper -, mais j’étais en accord avec moi-même. Un travail important était en train de s’opérer en moi : je me suis retroussé les manches, et je m’y suis confrontée.

Des émotions intenses

Quand un bouleversement intérieur est en train de se produire, on se sent souvent plus vulnérable, plus sensible. Il est plus difficile de contenir ses émotions. Celles-ci peuvent déborder sans crier gare. Il vaut mieux les laisser sortir, les laisser s’exprimer (même si ça peut être déroutant ou désagréable) plutôt que de les garder en soi. Car en les extériorisant, on dénoue des choses à l’intérieur de soi, et on peut mieux se comprendre – ou bien se sentir plus apaisé.

Pendant ce voyage, j’ai beaucoup pleuré. Pas à cause d’événements qui me sont directement arrivés, mais parce que j’étais submergée par ce qui se passait en moi. Beaucoup de prises de conscience et de remises en question. Forcément, ça chamboule.
Je n’ai pas passé tout mon séjour à être triste : j’ai aussi pu ressentir des joies profondes, notamment quand je me trouvais au milieu de cette belle et impressionnante nature en Algarve. Les rayons du soleil sur ma peau, l’air marin, la puissance des vagues, les reliefs torturés des falaises, la végétation luxuriante, les douces températures me faisaient beaucoup de bien. J’y étais encore plus réceptive qu’en temps normal.
Et le fait que j’ai choisi de me déconnecter des réseaux sociaux m’a fait d’autant plus apprécier l’instant présent, et m’a permis d’encore mieux faire le point avec mes émotions, sans avoir la tentation de me réfugier dans mon téléphone portable pour me distraire de moi-même.

Ces émotions intenses m’ont accompagnée pendant tout mon voyage. Elles ont pu s’exprimer, parce que je laissais la vacance suffisante en moi pour qu’elles prennent leur juste place.
Je ne me trouvais pas dans le même genre de situation que lors de mes randonnées itinérantes. Lors d’une marche de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, je trouve que l’on est moins dans l’incertitude. On sait où l’on compte se rendre, on a une destination précise en ligne de mire. On est en mouvement, on avance, on est dans l’instant présent de la randonnée et des nécessités qu’elle demande – se nourrir, se laver, dormir, recommencer.

Mais lors de ce voyage au Portugal, où je pouvais rester plusieurs jours d’affilée au même endroit, je devais sans cesse inventer mes journées. Parfois, je me promenais sans but. Je n’avais aucune idée d’où je souhaitais me rendre dans les prochains jours, ou même dans les prochaines heures. Cette situation laissait beaucoup de place en moi pour des réflexions diverses, des ruminations parfois, de fortes émotions bien sûr. Mais c’était ce qu’il me fallait. C’était le « format » de voyage que j’avais décidé de vivre.

Oui, ce voyage d’un mois au Portugal a été très particulier pour moi. Intense, beau, étrange parfois.
Il devait se passer comme il s’est passé.

À mon retour, je n’étais pas vraiment calmée, ni apaisée. Au contraire : cette aventure a éveillé beaucoup de questions, de doutes, mais aussi d’envies de changement, de projets. C’est pour le mieux, je le sais. Mais ça secoue.
Ma vie est actuellement en chantier, sous tous ses aspects. Je vois tout ce qu’il faut que je mette en place, toutes les démarches que je dois suivre, si jamais je veux que ces changements dont j’ai besoin s’opèrent. C’est vertigineux, ça demande beaucoup d’efforts et de patience, mais c’est aussi excitant.
Je peux dire que ce voyage au Portugal s’est déroulé à un moment de ma vie où, de toute façon, ces changements auraient eu lieu. Mais il m’a sans doute permis un vrai travail d’introspection qui a accéléré certaines prises de conscience, tout en me faisant découvrir un superbe pays plein de richesses et de surprises.

J’ai vécu ce voyage au moment où je devais le vivre, et je l’ai vécu de la manière à laquelle je devais le vivre.
Plus d’un mois après mon retour en France, j’entrevois ce que cette aventure m’a apporté. Plus j’aurai du recul, plus je constaterai son effet sur moi, et plus j’en récolterai les fruits.
Quelle merveilleuse expérience, quel voyage ! Je vous souhaite de vivre des périples aussi marquants.
Si jamais vous souhaitez voir cette aventure autrement que par écrit, j’en ai fait une série de vidéos disponible sur ma chaîne YouTube.

En attendant d’autres voyages et d’autres randonnées, je vous souhaite une très belle année 2023.
À bientôt !

Comment je me suis dépassée sur la Grande Traversée du Jura

Après une randonnée de trois jours sur le GR Tour du lac d’Annecy en 2018, que j’avais beaucoup appréciée, mais qui m’avait confrontée à mon manque d’expérience en terrain montagnard, je suis revenue plus humblement à des marches sur des chemins plus accessibles, moins techniques.
J’ai fait de belles randonnées itinérantes par la suite, comme les chemins de Stevenson et de Régordane, ou encore le Camino Francés en Espagne.

Cette aventure sur le GR dans les hauteurs d’Annecy a laissé en moi un sentiment discret, pernicieux, que j’ai mis du temps à conscientiser et à identifier : je me sentais incapable.
”La montagne, ce n’est pas pour moi. Je ne suis pas capable de randonner dans de tels milieux ; je laisse ça aux marcheurs plus chevronnés et bien plus expérimentés que moi.”
Cette croyance limitante a commencé à s’enraciner en moi, tout doucement. Telle une mauvaise herbe.

Piatra Craiului, Roumanie

Je crois que je m’en suis rendue compte lors de ma randonnée dans le parc national Piatra Craiului, en Roumanie, durant l’été 2021.
Je séjournais dans la ville de Brașov, et j’avais envie d’aller explorer les Carpates. Je suis partie un peu la fleur au fusil, choisissant un sentier de randonnée sur une carte peu précise qu’une Française m’a donnée à l’auberge de jeunesse. Ce chemin était qualifié de niveau ”moyen” : je me suis dit que ça ferait l’affaire. J’ai chaussé mes sandales de marche, réglé mon sac à dos, et j’ai pris le bus en direction du château de Bran, point de départ de la randonnée.

Je crois qu’il s’agit de l’une des randonnées les plus éprouvantes et les plus techniques que j’ai faites. Tout s’est bien passé ceci dit : je ne me suis pas perdue, je ne me suis pas blessée. Mais je n’étais pas préparée. Pentes très raides (je suis plusieurs fois descendue sur les fesses tellement c’était impressionnant), terrain glissant, parties techniques, sentier désert ; le tout seule, dans un pays que je ne connaissais pas et dont je ne parlais pas la langue. Ça faisait beaucoup.

Mais, j’ai réussi. J’ai marché pendant six ou sept heures d’affilée, et je suis arrivée sans encombre à la gare de Zărnești pour rejoindre Brașov. Les Carpates sont belles et sauvages, mais j’étais tellement concentrée et impressionnée pendant ma marche que je n’en ai pas trop profité. Néanmoins, une part de moi était fière d’avoir accompli cet exploit le jour de mon anniversaire.

Piatra Craiului, Roumanie

Cet épisode a laissé en moi une émotion ambivalente.
D’un côté, je me suis aperçue que je n’appréciais pas les portions techniques, et que je n’en retirais aucune satisfaction, aucun plaisir.
De l’autre… Je me suis rendue compte que j’étais bien plus capable que ce que je croyais.
La petite graine était semée – la plante qui allait chasser les mauvaises herbes.

Le Jura : un défi que je me lance

Je me suis procuré le topo-guide sur la Grande Traversée du Jura (ou GTJ) en 2018, peu après ma marche sur le GR Tour du lac d’Annecy, me semble-t-il.
« Sans doute qu’une randonnée dans des montagnes moins hautes serait plus facile pour moi…”
J’ai rangé ce topo-guide avec les autres que je possède, ceux dont je ne me suis pas encore servie sur le terrain, de lointains rêves, des ”un jour, peut-être”. Parmi eux : la Grande Traversée des Alpes, le GR 34 en Bretagne, ou le GR 20 en Corse.

Cet été 2022, j’avais prévu un voyage dans un pays étranger (j’en reparlerai en temps et en heure, car cette aventure aura lieu ce mois d’octobre).
Puis j’ai changé d’avis, à cause des fortes chaleurs et de la sécheresse prévues pour la saison estivale. J’ai alors fureté dans ma maigre collection de topo-guides, et c’est la Grande Traversée du Jura qui m’a fait de l’œil. J’ai senti que c’était le moment de me confronter à nouveau aux montagnes.
Modestement, car il s’agit ici d’un chemin de moyenne altitude. Mais tout de même : 400 km de parcours, avec environ 11 000 m de dénivelé positif en cumulé, ce n’est pas non plus un GR en plein milieu de la Beauce (une région française au relief très plat, si vous ne le saviez pas).

Près du Mont d’Or, Jura

C’était décidé : j’allais me lancer sur la GTJ, en solo, avec mon matériel de bivouac.
Je me suis préparée au mieux, mais un peu au dernier moment. Je n’avais pas envie de trop planifier. Je commence à avoir une certaine expérience de la randonnée itinérante, donc je me suis autorisée à laisser une bonne part à l’inconnu sur ce parcours. Une belle aventure dans le Jura m’attendait…

Plusieurs défis relevés avec brio

Je ne vais pas écrire avec beaucoup de détails tous les obstacles que j’ai franchis, les défis personnels que j’ai relevés. Je vous invite à aller regarder les différentes vidéos YouTube que j’ai réalisées pendant ma GTJ : telles un carnet de bord, elles retracent mes aventures de chaque jour.

Cependant, je vais lister les différents challenges auxquels j’ai eu à faire face, avec de nombreuses ”premières fois” pour moi.

Un chemin physique

De toutes les randonnées itinérantes (de plus d’une semaine) que j’ai faites, la GTJ était la plus sportive. Le GR est souvent au-dessus des 1000 m d’altitude, et certaines journées peuvent atteindre 1000 m de dénivelé positif. Il existe des parcours bien plus exigeants en terme de dénivelés ; mais pour l’instant, ce chemin est le plus physique que j’ai réalisé sur la longueur. Comme je suis sportive et que je sais ménager mes efforts, ça n’a pas été un souci.
Mais le tout était rendu plus difficile à cause de la chaleur, ainsi qu’avec le poids de mon sac à dos, qui à certains moments était très lourd – je ne sais pas combien de kilos il faisait, je n’ai JAMAIS pesé mon sac. Mais je pense qu’il a facilement atteint les 15 kg au pire des cas (peut-être plus… Je ne veux pas savoir. Tant que j’arrive à le porter !).

Un chemin technique

Au-delà de l’effort physique, il y a eu des portions techniques, qui relèvent plus du défi pour moi. Il y a eu des passages avec échelles dans les gorges du Doubs, d’autres avec des mains courantes (des câbles où il peut être nécessaire de s’agripper en descente ou en montée), ou encore d’impressionnants chemins de crête avec des parties de ”semi-escalade”.
Je suis toujours un peu crispée quand je dois emprunter ce genre de passages, surtout si je ne sais pas trop à quoi m’attendre et que je suis seule.
Mais j’ai passé chaque tronçon technique sans problème. Tout simplement en prenant mon temps, en faisant attention à la pose de mes pieds (en sandales de marche peu adhérentes, parce que j’aime bien me rajouter de la difficulté apparemment), en me concentrant sur ma respiration et en me répétant une sorte de mantra d’encouragement.
”Tranquille. Tout va bien. Tranquille. Tout va bien. Tranquille. Tout va bien…”

Vue depuis Le Reculet, Jura

Le Crêt de la Neige : quand les conditions météo s’en mêlent

Je crois que ma journée la plus exigeante a été celle sur la portion qui fait passer par les Crêts de la Neige et du Reculet, les deux points culminants du massif du Jura (respectivement à 1720 m et 1718 m d’altitude).
De violents orages étaient prévus en fin d’après-midi. L’étape était longue, et pour ne pas me retrouver bloquée là-haut sous la tempête – surtout que les chemins de crête sont particulièrement exposés -, j’ai marché plus vite que d’habitude et je ne me suis presque pas arrêtée. Sept heures de marche sans vraie pause.
Au-delà de la technicité de ce tronçon, la mauvaise météo a été de la partie : je me suis retrouvée en plein dans une purée de pois. Un épais brouillard qui faisait que je ne voyais pas à cinq mètres devant moi. J’ai dû avancer sur ce sentier délicat comme je le pouvais. Parfois le balisage disparaissait, et je devais m’orienter autrement. Le tout à flanc de falaise. Plusieurs fois, je sentais le vide sans le voir (et je crois que c’est pire).
Ce brouillard avait quelque chose d’oppressant, mais je ne me suis pas arrêtée – c’était soit ça, soit l’orage ! ”Tranquille. Tout va bien. Tranquille.” Je suis finalement parvenue à Menthières, ma destination finale de la journée, et les orages ont éclaté peu de temps après (ouf !). Je me suis sentie fière d’avoir réussi à passer cette étape, qui a été impressionnante pour moi sur bien des points. Mais j’ai gardé mon calme, j’ai maintenu le cap, et j’ai relevé ce défi.

La fameuse ”purée de pois”

Le manque de points d’eau sur certaines portions

À cause de la sécheresse, beaucoup de sources étaient soit taries, soit coupées. J’ai dû parfois transporter jusqu’à 3 L d’eau avec moi pour ne pas me retrouver en mauvaise posture. Cet aspect logistique a rendu la marche plus difficile, mais j’ai toujours réussi à me débrouiller.
C’est lors de cette randonnée que je me suis dit que je pourrais peut-être investir dans un filtre à eau. Je n’y avais tout simplement pas pensé. Je continue d’apprendre…

Les prés, les vaches… Les veaux

Rares sont les randonnées où j’ai eu à passer en plein milieu des prés, et ainsi déranger ces chères vaches qui paissent et dispersent leurs bouses partout. Eh bien, sur la GTJ, c’est monnaie courante. Le nombre de clôtures que j’ai dû ouvrir puis refermer derrière moi, je ne les compte même plus.
Et plusieurs fois, j’ai dû passer à côté de mères et de leurs petits : celles-ci peuvent nous voir comme une menace et devenir agressives.
L’idéal est de faire un grand détour pour les éviter, mais ce n’est pas toujours possible. Je me suis retrouvée quelque fois confrontée à des vaches qui, disons… M’ont fait sentir que je n’étais pas la bienvenue, et se sont approchées un peu trop près de moi. Certaines ont même essayé de me barrer la route !
Je n’en menais pas large, mais j’ai gardé mon calme. J’ai parfois un peu joué de mes bâtons de randonnée pour les dissuader de s’approcher encore, puis j’ai pu continuer mon chemin sans dommages collatéraux. Mais je peux dire que ça a été un autre type d’épreuve pour moi sur cette GTJ !

Un chalet dans le soleil couchant, Jura

Pour conclure

Quelle belle aventure que cette Grande Traversée du Jura !
Dix-sept jours de marche – je m’en suis rajouté trois autres pour parcourir la Via Gebennensis, dont je parlerai plus tard. Dix-sept jours de superbes paysages, de bivouacs parfois insolites, de belles rencontres… Et d’épreuves surmontées.
Je dirais que j’ai passé un cap. Pour être précise, je me sens bien plus capable. Capable d’aller encore plus loin, capable de parcourir des milieux montagnards plus exigeants.

Je ne randonne pas dans une optique du ”toujours plus”, ni dans l’idée de souffrir, ni de cheminer sur des terrains hostiles, mais il est vrai que j’aime repousser mes limites. Me dire : ”En fait, peut-être que je pourrais le faire. Si j’essayais ?”
Sans pression. Mais simplement me dire que je serais capable d’y arriver, et qu’il suffit souvent de faire le premier pas. Alors qui sait. Peut-être que ma prochaine randonnée itinérante sera la Grande Traversée des Alpes ? … Ou peut-être pas. Je verrai où mon cœur me dit d’aller.

En tout cas, mon prochain voyage ne sera pas une marche itinérante. J’aime varier les plaisirs.
Mais vous en saurez plus en temps voulu.

À bientôt !

Ma rando-bivouac sur le GR Pays des Yvelines

J’aime me lancer des défis.
Sans parler d’accomplir d’incroyables exploits, j’apprécie repousser mes limites un peu plus loin et sortir de ma zone de confort. Je souhaite mettre à l’épreuve mes craintes et mes appréhensions, élargir mes perceptions et mon champ de connaissances.

En cette mi-mai 2022, je me dis que ça fait longtemps que je n’ai pas bivouaqué. Et bivouaqué seule, de surcroît.
Par ”bivouac”, j’entends : dormir dehors, poser son camp à la tombée de la nuit et repartir au lever du jour, sans laisser de traces. Une manière de se rapprocher de la nature, d’être en communion avec elle, tout en la respectant.

La dernière fois que j’ai pratiqué le bivouac, c’était sur le Camino Francés en 2020. Ça fait presque deux ans que je ne m’y suis pas confrontée de nouveau. Alors, pour m’y remettre tranquillement, je décide de marcher sur un sentier de randonnée peu connu, à une heure et demi de chez moi : le GR Pays des Yvelines. Long d’un peu plus de 70 km, il peut se parcourir en trois jours. Ça signifie pour moi deux nuits de bivouac.

Le GR Pays des Yvelines est le grand sentier rouge tout à gauche
(Source : boutique.ffrandonnee.fr)

Un matin, j’enfile donc mon sac à dos et mes sandales de marche, je claque la porte de chez moi, et je me rends en TER jusqu’à Épernon (Eure-et-Loir), le point de départ du GR.

Les Yvelines rurales

Souvent, on résume l’Île-de-France à Paris et à sa banlieue bétonnée. Pourtant, il y a beaucoup de nature en région parisienne, ainsi que des endroits ruraux – même si ça demande de s’éloigner de la capitale. Je le montre suffisamment dans mes vidéos de randos-découverte.

Le GR Pays des Yvelines traverse tout l’ouest du département, quasiment à la frontière de l’Eure-et-Loir. Le chemin passe surtout par de charmants petits villages et hameaux, sans commerce, et serpente entre bois et plaines agricoles.
En cette fin de printemps, les blés sont d’un beau vert tendre et les sentiers sont bordés de fleurs multicolores. Il fait un temps magnifique, et les températures sont clémentes, bien que plus fraîches pendant la nuit (aux alentours de 7°C). Ce sont des conditions idéales pour la randonnée, je ne pouvais pas espérer mieux.

À peine avoir quitté la jolie Épernon, je me retrouve dans le calme. Je ne peux pas parler de silence, car la nature est bruyante : la brise à travers les blés et la cime des arbres, le chant des oiseaux qui s’en donnent à cœur-joie, le hennissement des chevaux au loin, la mélodie des ruisseaux m’accompagnent tout le long de mon aventure.
Mais le brouhaha de la ville n’est plus, ou presque. Le GR passe parfois près de départementales ou de chemins de fer, mais ceux-ci sont peu fréquentés. Rien à voir avec les embouteillages et les klaxons dans les rues de Paris.

En parlant de fréquentation : je ne croise aucun randonneur. J’aperçois de temps à autres quelques promeneurs, habitant dans les villages voisins, ou bien des cavaliers avec leurs chevaux. Mais pendant presque trois jours de marche, les sentiers sont déserts.

Une vraie déconnexion

En peu de temps, j’ai l’impression d’avoir basculé dans une autre réalité. Je suis impressionnée.
En trois jours à peine, je me suis pleinement déconnectée de ma vie parisienne.

Je connais cette sensation, et pourtant à chaque fois je suis surprise : la randonnée itinérante transforme le temps. Celui-ci s’étire, se découpe différemment. Je me concentre davantage sur le moment présent. Outre les besoins fondamentaux (manger, se laver, dormir), je me focalise sur des choses auxquelles je ne pense pas d’habitude : trouver mon chemin et guetter les balises du GR, regarder la carte sur mon topo-guide, essayer de repérer les points d’eau et les endroits où je pourrais m’installer pour la nuit, réfléchir à la nourriture que je prendrai avec moi quand je trouverai un lieu où je pourrai me ravitailler…

Je découvre mon environnement au fur et à mesure que j’avance. L’inconnu se dessine devant moi, avec son lot de surprises et d’imprévus. C’est excitant, c’est satisfaisant. Ma vie quotidienne, plus routinière, est laissée en suspens. Je suis dans une bulle hors du temps, je vagabonde à mon rythme et au gré de mes envies. Je m’extirpe hors du monde pendant quelques jours, et c’est une grande bouffée d’air frais qui m’emplit les poumons.

Après tous ces confinements et ces couvre-feu, cet immobilisme forcé, ces restrictions qui m’ont beaucoup pesé, quel sentiment de bien-être et de liberté j’éprouve à cheminer et à dormir en pleine campagne ! Je satisfais un besoin vital, fondamental.
Nous, êtres humains, sommes conçus pour la marche et l’endurance. Je suis de plus en plus convaincue que pour notre épanouissement personnel, ainsi que notre santé à la fois physique et mentale, il est nécessaire de marcher dans la nature pendant au moins une journée, ou, encore mieux, pendant plusieurs jours d’affilée.

Le bivouac : un moyen de se rapprocher de son état sauvage

Dormir dehors change beaucoup l’expérience de la randonnée itinérante.
L’immersion est complète, encore plus forte.
Que ce soit avec une tente, un tarp, un hamac, à la belle étoile… Bivouaquer, c’est s’imprégner pleinement de son environnement. On emprunte un endroit à la nature, aux habitants des lieux dans lesquels on s’installe pour la nuit. N’oublions pas de les remercier de nous accueillir, ils nous le rendront bien !

Dormir dehors fait surgir des sentiments ancestraux et archaïques. Des peurs peuvent paraître à la surface.
Je me rends compte d’à quel point je suis vulnérable, exposée. Mon cerveau le sait bien : les nuits de bivouac sont rarement très reposantes. Je suis bien plus aux aguets que d’habitude, à l’affût du moindre bruit. Mes nuits sont entrecoupées : je dors une heure ou deux, je me réveille, je me rendors pour une heure ou deux, je me réveille à nouveau…

La nuit, le moindre bruissement est amplifié. L’imagination peut s’affoler, et souvent de manière irraisonnée. Pour mon premier bivouac sur le GR, je m’installe en lisière d’un petit bosquet, en bordure d’un champ de blé. Le village le plus proche doit être à environ une demi-heure de marche.
Je ne pensais pas qu’il y aurait autant d’animaux dans un bois aussi clairsemé, et pourtant !
Des lièvres peu farouches viennent me rendre visite au coucher du soleil. Une fois le ciel entre chien et loup, juste avant d’aller me coucher, je crois entendre un sanglier rôder dans les environs – mais je n’en suis pas sûre, car j’ai du mal à identifier les grognements de l’animal.

Mais une fois la nuit pleinement tombée, les bois deviennent plus silencieux. J’entends quelques motos vrombir sur une départementale au loin. Les basses d’une fête, ou d’une boîte de nuit, me parviennent. La lune est puissante, brillante, éclairant le bosquet à la manière d’un projecteur de cinéma.

Je ne suis aucunement dérangée pendant cette nuit de bivouac, ni pendant la suivante, que je passe à la belle étoile en bordure d’un champ, un peu à l’écart d’un village.
En France, ainsi que dans la plupart des pays d’Europe, il y a très peu de chances de se faire attaquer par des animaux, surtout si l’on dort. Ils peuvent être curieux, ou vivre leur vie à côté de nous ; mais il faut surtout se dire que c’est une chance de les voir d’aussi près.

Me remettre à la pratique du bivouac était un vrai défi pour moi au début de cette aventure, mais je peux dire que je l’ai relevé haut la main. Je me sens forte, capable, débrouillarde, libre.
Et une chose est sûre : je souhaite renouveler l’expérience.

Cette randonnée sur le GR Pays des Yvelines a été une très belle aventure pour moi.
La nature est vraiment aux portes de Paris : il suffit de le savoir, de se motiver un peu pour prendre la voiture ou les transports en commun, de s’équiper de manière adéquate, et en route !

Je ne peux que vous conseiller l’expérience. Ne serait-ce que le temps d’un week-end, pour vous rendre compte qu’il est tout à fait possible de se sentir dépaysé en Île-de-France.
Au final, même si je ne suis partie que quelques jours, j’ai eu l’impression d’avoir marché pendant des semaines. C’est la magie de la randonnée itinérante.

À vous de la ressentir à votre tour…

À bientôt.

La vidéo de mon aventure sur le GR Pays des Yvelines

Ce que le Chemin de Compostelle m’a apporté

Quasiment cinq mois après être arrivée à Saint-Jean-Pied-de-Port, je me rends un peu mieux compte de ce que le Chemin de Compostelle a changé pour moi.
Certes, je ne suis partie qu’un petit mois, et un petit mois dans une vie ce n’est rien. Et pourtant… Je sens que beaucoup de changements se sont opérés en moi, dont certains dont je n’ai peut-être pas encore pris conscience.

Dans mon précédent article à propos de mon expérience sur le Chemin, je racontais pourquoi je suis partie, et en substance ce que j’ai vécu et traversé. Ici, je vais essayer de synthétiser ce que le Chemin m’a apporté, et quelles ont été ses répercussions sur ma vie.

13
Ma confiance en moi a augmenté

Je n’avais pas une estime de moi au plus bas avant de partir sur le Chemin, loin de là. J’étais bien dans ma vie et dans mes pompes (j’ai beaucoup travaillé dessus pour en arriver là, car je pars de loin), et j’avais foi en l’avenir. Mais cette marche d’un mois, seule, a fait passer ma confiance en moi au niveau au-dessus.

Ne serait-ce que pour mes capacités physiques. Bien qu’étant sportive, je n’avais jamais fait de longue randonnée de plusieurs jours, qui plus est avec un gros sac. Plusieurs fois pendant le Chemin, surtout au début, j’ai cru que je n’arriverais pas à tenir les 750 km qui séparaient Le-Puy-en-Velay de Saint-Jean-Pied-de-Port. La suite a prouvé le contraire. Je pense que nous avons tous bien plus de force en nous que ce que nous imaginons – physique et mentale. Nous pouvons puiser dans des ressources formidables pour nous surpasser, et nous pouvons pousser chaque jour un peu plus loin.

Je savais que j’avais beaucoup de ressources en moi, ayant pas mal voyagé à travers le monde et ayant été confrontée à des situations plus ou moins difficiles, mais sur le Chemin, je me suis rendue compte que je pouvais être encore plus débrouillarde que ce que je pensais. Ça a été à la fois surprenant et très plaisant à expérimenter.

De même, ces moments à marcher seule ont amené pas mal de réflexions sur ma vie et sur ma façon d’être par rapport au monde. Je ne sais pas trop comment cette magie a opéré, mais j’ai pris encore plus confiance en qui j’étais, en ce que je désirais et ce que je revendiquais, et j’ai compris beaucoup de choses sur moi. Je me suis sentie forte, puissante, et j’ai su que ni rien ni personne ne pourrait m’enlever ça.

7
J’ai découvert le plaisir de voyager seule

Comme je l’écrivais précédemment, j’ai pas mal voyagé à travers le monde (vous pouvez le voir notamment grâce à mes photos), mais avant le Chemin je n’avais jamais voyagé seule.
Comme le disent tous les voyageurs en solo, en fait nous ne sommes jamais vraiment seuls. Nous faisons tout un tas de rencontres, et moi-même j’ai fait de jolies rencontres sur le Chemin. Parfois des rencontres éphémères, mais aussi des rencontres qui se sont prolongées en-dehors du Chemin : j’ai revu plusieurs pèlerins, dont certains plusieurs fois, et j’ai même prévu d’en revoir d’autres encore et d’organiser des voyages et des excursions avec eux.

Mais j’ai découvert que le fait de voyager seule donne une immense liberté – et cette liberté est accentuée par le fait que pour me déplacer, je n’étais dépendante que de mon corps. Je trouve que marcher est une des choses les plus merveilleuses pour se sentir libre. Tout me semblait possible : je pouvais aller où je voulais, m’arrêter quand je le voulais, aller au rythme que je souhaitais.
J’admire beaucoup les marcheurs chevronnés qui parcourent le monde entier à pied. Peut-être qu’un jour je franchirai le cap, moi aussi. J’endosserai mon sac, j’enfilerai mes chaussures et je fermerai la porte de chez moi. C’est une idée qui me « trotte » derrière la tête.

La solitude n’est cependant pas toujours plaisante – il ne s’agit pas de tout idéaliser ici –, et elle peut parfois être dure. Même si la Via Podiensis en été est loin d’être déserte, il y a tout de même eu des moments où j’étais seule au milieu de nulle part (et c’est là que je me suis pleinement rendue compte qu’il y a des endroits désertiques en France). C’est une sensation à la fois grisante et désagréable.
La solitude peut être une épreuve, mais je pense qu’elle est une épreuve des plus intéressantes, même si elle est inconfortable. Elle nous incite à nous confronter à nous-même pour de bon, et à puiser en nous les ressources que j’évoquais plus haut dans l’article.
Les blessures et les démons du passé peuvent remonter d’un coup, mais les guérisons et les miracles peuvent survenir aussi – il suffit de recevoir et d’accepter ce qui arrive, car j’ai l’intime conviction que tout arrive pour une raison et qu’il n’y a pas de hasard.

La solitude offre des choses que nous ne pouvons pas connaître si nous partons à plusieurs. Je ne dis pas que les voyages à plusieurs ne me conviennent pas – j’ai adoré la grande majorité d’entre eux –, mais le fait de partir seul oblige à une plus grande ouverture d’esprit et de cœur.

tumblr_ouz2so6F9D1s033ifo7_540
J’ai redécouvert la France

Je connais un certain nombre de personnes qui ont parcouru beaucoup d’endroits du monde, mais qui connaissent très mal leur propre pays.
Je n’irais pas jusqu’à dire que je connais mal la France – j’ai exploré pas mal de ses régions –, mais le fait de marcher sur le Chemin m’a fait découvrir mon pays autrement. Je savais déjà que la France jouit d’une richesse hallucinante de paysages ; le savoir intellectuellement est une chose, mais le découvrir concrètement en est une autre.

Je suis passée par des villages et des endroits que je n’aurais jamais pu découvrir en voiture ou en train. Je me suis bien plus imprégnée de la nature et de ce qui m’entourait que si je m’étais déplacée à toute vitesse.
La lenteur de la marche permet de se confronter à un autre rapport au temps et à l’espace. À une époque toute en rapidité et en excès, je trouve que c’est une très bonne chose.

La France est un pays au patrimoine et à la nature très riches, et je me sens chanceuse d’y vivre. Elle n’a rien à envier aux autres endroits du globe. C’est plaisant de regarder son « chez soi » d’un autre œil, d’un œil neuf.

tumblr_ovk5gx7bq71s033ifo1_540


Des envies de partir…

Connaissez-vous cette langueur, cette envie de partir et de tout laisser derrière vous, qui de temps en temps se rappelle à vous, et vous titille ?
Moi, oui. Et ce encore plus souvent depuis que je suis partie sur le Chemin.

J’ai l’impression que cette langueur a toujours fait partie de moi. Petite, déjà, je rêvais de partir à l’assaut de l’inconnu, de me diriger vers le soleil couchant, de crapahuter dans les montagnes et de grimper dans le premier train ou le premier avion qui m’emmènerait loin. Cette envie ne me quitte jamais, et après chaque voyage elle se renouvelle.

Alors, je ne souhaite plus être dans l’extrême et partir dans un trip à la Into The Wild, en partant très loin sur un coup de tête et en laissant tout derrière moi (famille, amis, maison, biens divers et variés) sans jamais me retourner. C’était un fantasme d’adolescente, qui illustrait plus mon mal-être qu’autre chose.
J’adore ma vie actuelle, sur tous les plans. Je n’ai pas envie de tout abandonner. Je sais que je suis mon chemin de vie et que je suis en congruence avec mon âme ; je n’éprouve pas le besoin de partir sans me retourner.

Par contre, l’idée de parcourir le monde seule avec mon sac à dos, telle une backpacker occidentale comme on en voit fleurir sur les routes, me tente de plus en plus.

J’ai aussi de plus en plus envie d’aller à la rencontre des gens et de les interroger. De partir avec une caméra et un micro, et de réaliser des petits films documentaires. Sans me la jouer reporter pour National Geographic (quoique si j’avais eu plusieurs vies en même temps, j’aurais sans doute essayé de percer dans cette voie), c’est quelque chose que j’aimerais bien entreprendre un jour.

9
J’ai toujours admiré les grands voyageurs, et j’admire encore plus ceux qui savent revenir. Parce que parfois ce n’est pas simple, mais je crois que c’est indispensable si l’on ne souhaite pas que le voyage se transforme en fuite.

Un jour, je traverserai les frontières à pied. Je me sens capable de le faire, et sans doute que quand je sentirai que c’est le moment, je le ferai.

Il suffit de faire le premier pas. Le reste, ce n’est que de la marche.

tumblr_ovhqosHHll1s033ifo5_540

Sur le Chemin de Compostelle

Cet été, j’ai marché sur l’un des chemins de Compostelle, pendant vingt-huit jours, du Puy-en-Velay jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port.
Difficile de relater une telle expérience ; pourtant, je vais essayer de le faire, le plus humblement et le plus justement possible.

14

Déjà : pourquoi ai-je décidé de partir marcher, seule qui plus est, sur le GR 65 (ou la Via Podiensis) ?
La plupart de mes proches étaient surpris par ma démarche, mais ils m’ont fortement encouragée à le faire.
La plupart des gens que j’ai croisés sur le chemin étaient étonnés de me voir, moi, une p’tite jeune de vingt-cinq ans, seule sur les sentiers, avec mon gros sac et mes bâtons de randonnée. Mais le premier étonnement passé, la bienveillance et le partage prenaient vite le relais.
Alors, pourquoi ai-je décidé de passer mon été à marcher, seule ?

En fait, il n’y a pas vraiment de raison. Intuitivement, j’ai senti que c’était ce qu’il fallait faire.
Bon, j’ai toujours aimé marcher, j’ai toujours aimé la randonnée. Et ce, depuis toute petite. J’aimais crapahuter partout. Je pouvais me raconter des histoires et partir sur Planète Coline sans que personne ne me dérange. La marche est même une institution pour beaucoup de membres de ma famille.
Donc ce n’était pas si surprenant que ça pour moi de marcher pendant plusieurs semaines.

Ça faisait également un bout de temps que j’envisageais de voyager seule. Je ne l’avais encore jamais fait. Bien que ce soit super de partir avec des proches, l’expérience en solo n’est pas la même et est autrement plus enrichissante.
Pour ce qui est du chemin de Compostelle, je ne peux que conseiller de partir seul/e. Quand on est seul, on est souvent plus ouvert aux autres, plus ouvert au hasard, plus ouvert à l’aventure. On est obligé de faire face à soi-même. Je pense que c’est ça qui peut faire peur (se retrouver seul avec soi-même, brrr !), mais c’est justement en ça qu’il s’agit d’une expérience particulièrement riche.

tumblr_ovk5gx7bq71s033ifo4_540

Sur le Chemin, j’en suis revenue aux basiques de la vie. Je marchais, je mangeais, je me lavais, je lavais mes vêtements, je dormais. En gros.
Il y a quelque chose de très apaisant là-dedans, d’autant plus que ça détonne pas mal par rapport à notre style de vie d’Occidentaux modernes – et qui plus est, des citadins comme moi. Le fait d’être en mouvement, d’aller d’un point à un autre, de savoir à peu près comment vont être composées les journées, et en même temps goûter à cette liberté immense du marcheur – c’est-à-dire m’arrêter où je veux, aller au rythme que je souhaite, et ne devoir rien à personne –, me donnait la sensation que tout était possible, tout en me vidant la tête et en me remplissant le cœur.

La marche, c’est l’éloge de la lenteur.
Nous qui avons pris l’habitude de nous déplacer en voiture, en train, en avion (etc), nous ne nous rendons plus vraiment compte des distances. Trente kilomètres en voiture, c’est l’affaire d’une poignée de minutes. Trente kilomètres à pied, c’est en moyenne sept ou huit heures de marche.
Au sein d’une époque où tout s’accélère et où l’on a accès à beaucoup (trop) de choses très rapidement, voire de manière quasi-instantanée, je pense qu’il est bon de retourner vers la lenteur et la contemplation, et à réapprendre à vivre avec, à s’habituer à ce que les choses n’arrivent pas tout de suite, au fait que l’on n’arrive pas rapidement à destination. C’est une façon de s’apprivoiser.

Durant la marche, le corps s’exprime aussi, et j’ai appris à l’écouter encore plus attentivement que d’habitude. Je suis sportive, je suis jeune, en bonne santé, et j’ai une bonne condition physique, mais mon corps a beaucoup protesté, surtout les premiers jours. Il faut dire qu’il est assez rare que je marche vingt-cinq à trente-cinq kilomètres par jour avec plus de dix kilos sur le dos (d’ailleurs, dix kilos, pour mon poids actuel, c’est trop).
Je n’ai pas eu de grosses blessures physiques, je n’ai eu qu’une seule ampoule, et je ne me suis vautrée bien comme il faut sur la caillasse qu’une seule fois – j’aurais d’ailleurs pu me faire très mal avec le poids du sac ; j’ai eu de la chance. C’est juste ma dignité qui en a pris un petit coup mais je m’en suis vite remise (surtout que personne ne m’a vue, à part peut-être quelques oiseaux et des épis de maïs).

Certains jours, mon corps a protesté – surtout au début – et il m’est arrivé plusieurs fois de penser que je n’irai jamais au bout. Des douleurs aux pieds, dans le bas du dos… J’ai pu me faire de sacrés films (à base d’entorses, de micro-fractures et de cancer du pied – non là pour le dernier je plaisante), mais quand je marche, mon moteur de l’imagination a tendance à carburer.
Dans ces cas-là, on est obligé de faire avec les douleurs. De les écouter, de s’occuper d’elles. De prendre un jour de repos s’il le faut, même s’il peut y avoir un aspect frustrant dans ce choix. La santé avant tout ! C’est le corps qui décide et qui sait ce qui est bon pour soi.

Et ensuite, au bout de dix-douze jours de marche, un « déclic corporel » s’opère… C’est difficile à expliquer. On m’avait dit que ça se passerait comme ça : après un certain temps, en général au bout d’une dizaine de jours, le corps SAIT véritablement marcher.
Je l’ai senti. Comme si tout se mettait en place, que la mécanique était désormais bien huilée, et que ça y était, c’était parti pour de bon. Et à compter de ce moment : plus aucune blessure, plus aucune courbature, plus rien. Je pouvais m’avaler vingt kilomètres sans m’arrêter et sans m’en apercevoir.
Je savais marcher. Si j’avais pu, j’aurais continué jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle. Physiquement, j’en étais tout à fait capable. Puisque c’était parti.

13

Sur le Chemin, j’ai pas mal pleuré. Je ne suis pourtant pas partie avec des choses lourdes sur le cœur – contrairement à certaines personnes que j’ai rencontrées – mais il arrivait parfois que des émotions remontent à la surface et éclatent. La marche, le fait d’être seul avec soi-même, amène sans doute ça. Ça ne m’a pas déstabilisée parce que j’y suis habituée. Je ne cherchais pas spécialement la raison de ces pleurs, je les laissais simplement venir.
À quoi bon retenir ses larmes ? Pleurer nettoie l’organisme. Si on garde ses émotions bloquées en soi, et qu’on accumule tout, pendant longtemps, on en tombe malade, j’en suis persuadée. Mieux vaut tout évacuer, quitte à être un peu trop bruyant ou à redevenir un petit enfant, quelques instants…
J’ai pleuré quand mon corps protestait et m’empêchait d’avancer à ma vitesse habituelle, j’ai pleuré pour aucune raison apparente dans une église, j’ai pleuré quand je suis arrivée dans les Pyrénées et que ça signifiait la fin du voyage, j’ai pleuré devant la beauté des paysages, j’ai pleuré quand j’ai dû quitter mes amis du Chemin.

tumblr_ov115pz40c1s033ifo1_540

Les rencontres… Évidemment un aspect important du Chemin de Compostelle.
Les rencontres se font bien plus facilement quand on part seul, je pense. Pour ma part, je les ai vécues très naturellement. Je ne saurais pas trop dire ce qui m’a attirée vers certaines personnes. Une intuition, un concours de circonstances. Certains diront que c’était quelque chose de prédestiné – et j’aime le croire. J’aime croire à la rencontre d’âmes, et j’aime croire à l’idée que des âmes qui se sont connues dans des vies antérieures puissent se retrouver dans d’autres vies. Il y a des personnes qu’on vient juste de rencontrer et qu’on a l’impression de connaître depuis toujours. C’est inexplicable, mais c’est incroyablement émouvant – voire déstabilisant. J’ai vécu ça plusieurs fois dans ma vie, et à chaque fois j’ai l’impression d’avoir une chance inouïe.

J’ai vécu certaines rencontres du Chemin de cette manière. Une impression tenace de connaître la personne depuis toujours, alors que nous venions à peine de nous rencontrer. Dans cette configuration, avec ces ressentis si intenses, c’est encore plus déchirant de devoir se séparer. Il y a des séparations que j’ai mieux vécues que d’autres.
Pour certaines, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps – mais j’ai continué à marcher.

Sur les chemins de Compostelle, on m’avait prévenue, on fait des rencontres extraordinaires. Parce qu’il y a un état d’esprit particulier, parce qu’on a tous plus ou moins le même but, les mêmes motivations : suivre un chemin. Les différences socio-culturelles sont quasiment gommées : nous sommes tous habillés en pèlerins, nous faisons à peu près les mêmes choses (en gros, nous marchons), nous transportons tous notre maison sur notre dos, nous en sommes réduits à une certaine humilité. Il y a une bienveillance ambiante, une sympathie générale, un soutien mutuel. Ça ne colle pas avec tout le monde, mais il n’y a pas d’hostilité ou de jugement de la part des autres – du moins, je ne l’ai pas ressenti comme ça.

Certaines de ces rencontres que j’ai faites… Je ne pouvais pas m’y attendre. D’ailleurs mieux vaut ne s’attendre à rien. C’est là qu’on peut pleinement se laisser surprendre par la vie, qui est toujours bien plus créative que nous. Et on peut se surprendre soi-même.
Il y a des personnes que j’aimerais retrouver, « rencontrer » de nouveau, en-dehors du Chemin. Qu’est-ce que ces rencontres donneront, alors que la vie quotidienne aura repris le dessus ? L’alchimie, la magie opéreront-elles toujours, ou bien se seront-elles estompées ? J’aime croire que certaines rencontres résistent au temps, aux lieux et aux contextes – il suffit d’écouter son cœur pour le savoir… Je pense.
Encore une fois, la vie est bien plus créative que nous, et, qui sait – nos chemins peuvent se croiser à nouveau.

4

J’ai l’impression d’oublier plein de choses. Mais si je continue dans ma lancée, ce ne sera plus un article de blog, mais un roman que j’écrirai.
Est-ce que je conseillerais de marcher sur l’un des chemins de Compostelle, au moins une fois dans sa vie ? Oui.
Est-ce que j’irai jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle ? Définitivement oui.
À quel moment, je ne sais pas. Je partirai quand je sentirai qu’il est temps de partir. Sans planifier quoi que ce soit.

Le retour de ce Chemin est particulier, et je sais que chacun le vit différemment.
Pour ma part, je suis partie sans questions. Sur le Chemin, j’ai quand même eu des réponses. Et je suis revenue avec des questions. Des questions qui n’auront pas forcément de réponses dans l’immédiat, mais rien ne presse. Ça fait aussi partie du lâcher prise.
Le retour n’a pas été si rude pour moi. J’ai été un peu déboussolée, notamment par le fait d’être revenue à Paris alors que j’ai marché en pleine nature pendant un mois, et que je traversais majoritairement de tout petits villages avec à peine quelques commerces – voire pas du tout de commerces. Revenir au bruit alors qu’il y a eu autant de silence…
Mais je suis une citadine dans l’âme, je le sais, et ma place est à Paris pour le moment. C’est dans cette ville que je m’épanouis, et que je dois être. Je ne regrette pas du tout d’être revenue, même s’il y a une nostalgie inévitable du Chemin, et que celui-ci ne tardera pas à m’appeler de nouveau.

Comme me l’avaient dit deux très chouettes messieurs à l’association Les amis de Saint-Jacques du Puy-en-Velay : « Tu vas voir, tu vas prendre goût au Chemin. Tu vas vouloir y retourner tout le temps. C’est foutu ! »
Et évidemment, ils avaient raison.

tumblr_ouz2so6F9D1s033ifo3_540

En attendant, comme tout un chacun, je continue à tracer mon propre chemin. Un chemin en zig-zag, avec des bosses, des creux, des accidents de parcours, mais un chemin magnifique.

Alors, à très bientôt.

Oh, et si vous voulez voir mes photos et mes dessins du Chemin, je vous invite à vous rendre sur mon Tumblr et sur mon blog.

tumblr_ouz2so6F9D1s033ifo7_540

 

 

Malaisie, Malaisie…

Ma7

« J’ai comme un malaise en Malaisie – c’est commun, comme si la fièvre m’avait saisi », chantait Alain Chamfort.

La chaleur est étouffante, une chaleur que l’on ne peut pas connaître en Europe. L’air est humide à 90%, la température est la même toute l’année, supérieure aux 30°C. La nuit tombe vers 18h ou 19h, parce qu’on est proche de l’équateur. Les gens se lèvent tôt et se couchent tôt, et l’après-midi rien ne bouge – sauf les pauvres touristes perdus qui s’éventent, se brumatisent et se remplissent de boissons fraîches et de glaces. Les animaux sont apathiques à cause de leur fourrure, et tout le monde fait la sieste sur un banc, au pied d’un palmier ou à même le sol. Les ventilateurs au plafond tournent sans cesse, quand ce ne sont pas les climatiseurs qui marchent à fond dans les centres commerciaux, les hôtels et les auberges de jeunesse.

Partout, où que l’on aille, la végétation est exubérante, dense, d’un vert intense, les arbres débordent de mangues et de noix de coco, et les fleurs explosent en massifs colorés. La jungle est envahissante, jusqu’au bord des routes, et les étals ambulants exposent leurs durians, leurs mangoustans et leurs lots de petites bananes à la chair orangée aux yeux des automobilistes.

Ma6

En ville, les temples bouddhistes, taoïstes, hindous, les églises et les mosquées se côtoient. Les messes et les appels à la prière se répondent. On brûle de l’encens dans les rues, on dispose des offrandes devant des petits autels, on fabrique des colliers de fleurs, on célèbre le ramadan.
Beaucoup de femmes sont voilées mais jouissent d’une grande liberté pour la plupart – du moins, c’est ce qu’il me semble, de mon point de vue de Française agnostique qui essaie de se renseigner un peu plus sur les différentes religions du monde et qui prend garde, autant qu’elle le peut, de ne pas tomber dans le cliché de l’Occidental qui se pense un peu supérieur et qui essaie d’imposer sa façon de voir les choses. J’essaie de me fondre, j’essaie de m’oublier pour mieux m’imprégner.

Ma5

Kuala Lumpur est un étau étouffant et bruyant, et est un sacré mélange de buildings insolemment hauts et de petites bâtisses et de trottoirs chaotiques au sein de Chinatown et de Little India. Singapour est une bulle hermétique dans laquelle, en apparence, rien ne dépasse, et tout est un peu trop propre, lisse et brillant pour être honnête. Melaka est plus calme, plus authentique et plus historique, et cette ancienne ville marchande, ce port aux épices, a conservé son influence européenne dans son architecture.
Le contraste entre les gratte-ciel et les HLM qui poussent comme des champignons un jour de pluie, les habitations précaires et à moitié délabrées, et la nature imposante, belle et rude, est troublant.

Ma1

La Malaisie et ses jungles, ses montagnes, ses plages de carte postale aux eaux si transparentes et turquoises que l’on se croirait dans une piscine géante, avec ses plantations de thé et ses champs de serres en plastique, ses petites villes pauvres et sales dans lesquelles rien ne se passe, ses habitants d’une gentillesse extrême au grand sourire blanc et aux yeux rieurs, ses chats errants, ses tas d’ordures et ses décharges en pleine nature, ses singes et ses rats, ses papillons aussi grands qu’une main qui viennent se cogner aux néons, ses moustiques insatiables, ses nuages de pollution et ses forêts immenses et inhabitées, ses odeurs de curry et de sauce soja, ses fortes communautés chinoise et indienne, ses nombreux langages, la mondialisation qui la rattrape ; la Malaisie est un melting pot où apparemment de plus en plus d’Européens aiment passer leurs vacances et se sentent inévitablement dépaysés.

Ma8

Trois semaines ce n’est rien, trois semaines c’est ridicule ; et pourtant, j’ai l’impression d’avoir tellement vu, d’avoir tellement senti, goûté, entendu, touché, vécu en si peu de temps. La Malaisie c’est aussi des odeurs et des saveurs que je ne retrouverai jamais en France ; un goût de « reviens-y », un goût d’Asie qui m’attire et qui me donne envie d’explorer tous ces nombreux pays qui la composent.

Ces voyages me permettent également de me rendre compte à quel point j’aime mon pays, à quel point j’aime ma ville, et que ce sentiment de manque, cette petite pointe de nostalgie quand je suis loin de l’endroit que j’appelle ma maison, ce sentiment que je connais bien maintenant, est toujours présent.
C’est pour ça que j’aime voyager et que je veux continuer à parcourir le monde. Pour réaliser la chance que j’ai de vivre en France (surtout que nous, Français, crachons bien trop sur notre pays à mon goût), mais aussi et surtout pour y découvrir plein de petits « chez moi », pleines de petites « maisons » dans lesquelles je peux essayer, à mon humble mesure et autant que possible, de me sentir y appartenir un peu.

Ma3

Essayer de résumer la Malaisie, ce serait assez prétentieux de ma part. J’en livre alors un rapide aperçu, à travers mes photos, mes dessins et mon pauvre texte. Mais aucun récit, aucun guide de voyage, aucun livre ne peut remplacer le vécu et les sensations que l’individu éprouve sur le moment, les ressentis qui lui sont propres et qui n’appartiennent à personne d’autre qu’à lui.

Ma9

J’ai vécu ma Malaisie, d’autres ont vécu la leur.
Mais je peux partager un peu de la mienne avec vous, pour le simple plaisir de vous raconter, de vous montrer, de vous faire découvrir à travers mon regard, un aspect de ce petit pays d’Asie.
Et maintenant que je suis rentrée, j’éprouve ce sentiment d’hébétude que j’ai apprivoisé aujourd’hui, cette sensation, due entre autres à la fatigue et au jet lag, de ne plus savoir où je suis, de ne pas arriver à croire que je suis de retour à Paris, de me demander ce que je fais là et quel est le sens de tout ça.

« Et maintenant, quoi ? »
Maintenant, la suite de ma vie.

À bientôt.

Ma4