Durant l’été 2022, j’ai marché sur la Grande Traversée du Jura. C’était un superbe GR, une superbe expérience, dix-sept jours de déambulations en moyenne montagne. Mais, une fois arrivée à Culoz, le point d’arrivée de la GTJ, j’ai eu la sensation que ce final était abrupt. Je ne pensais pas terminer ce parcours aussi ”vite”. J’avais encore envie de randonner.
D’autres GR peuvent être rejoints à partir de Culoz. Mais l’un d’entre eux a attiré mon attention : la voie de Genève, ou Via Gebennensis. Ce chemin de Compostelle est en fait le prolongement du GR 65, ou Via Podiensis : partant de Genève, il rejoint Le Puy-en-Velay.
Je me suis dit que Genève serait une bonne destination, un beau point final à mon aventure estivale. J’ai donc décidé de parcourir ce sentier dans ”l’autre sens” (puisque j’allais tourner le dos à Compostelle) pendant trois jours.

J’y suis allée sans trop savoir ce qui m’attendait. C’était imprévu, impromptu – l’aventure, quoi ! Je n’avais pas de topo-guide avec moi ; je me suis contentée de m’aider des applications Géoportail et IGNrando pour les cartes, ainsi que de ce site Internet pour obtenir plus de détails sur les tronçons à parcourir. Mais le chemin est très bien balisé dans sa globalité.
Trois jours de marche, deux nuits en bivouac ; je ne pourrai donc pas parler des hébergements disponibles sur cette partie de la Via Gebennensis. Mais il me semble que le GR en est bien pourvu.
En partant, je savais que ce chemin serait facile. Bien plus facile que la Grande Traversée du Jura – que ce soit en terme de terrain ou d’infrastructures. Ça me convenait.
Jour 1 : Culoz > avant Desingy
La sortie de Culoz est compliquée : pour rejoindre la Via Gebennensis, il est nécessaire de passer à côté d’une grosse départementale très fréquentée. L’accès se trouve en bas d’un pont : la voie de Genève longe ensuite le Rhône sur plusieurs kilomètres. Le sentier est ombragé, le vacarme de la route se transforme en murmures, puis finit par être englouti par les eaux du fleuve. Ça fait du bien.
Malheureusement, le chemin doit être dévié : suite à un éboulement récent, le tracé est modifié et quitte les berges du Rhône. Je me retrouve à marcher sur des voies toutes droites, sous un soleil cuisant. Moi qui me trouvais souvent au-dessus des 1000 m d’altitude sur la GTJ, j’avais presque oublié à quel point il fait chaud en vallée ! Je chemine donc pendant plusieurs heures en plein cagnard, sur une portion inintéressante. La seule chose qui me distrait : la présence de nombreux arbres fruitiers et de vignes, gorgés de pommes, de poires, de raisins, et même de kiwis. J’en ramasse quelques-uns ; les fruits en bordure de chemin sont les récompenses du marcheur.

Après m’être posée dans une aire ”sport et nature” pour pique-niquer – bien ombragée, au bord du Rhône -, je décide d’emprunter une variante à la voie de Genève pour marcher le long du fleuve et arriver au charmant village de Seyssel.
Seyssel est un vrai coup de cœur pour moi. Ses jolies maisons et son port fluvial me mettent du baume au cœur. Enfin un endroit joli, après toute cette marche sur le goudron et la traversée de villages sans grand intérêt !
Je rejoins la Via Gebennensis par le hameau des Côtes d’En Bas, au-dessus de Seyssel, tellement mignon qu’il semble être sorti tout droit d’une carte postale.
Après avoir été en vallée pendant des kilomètres, le chemin grimpe à nouveau dans les hauteurs. Je trouve un endroit de bivouac juste avant le village de Desingy. Je n’ai malheureusement pas de vue sur les Alpes (les seuls endroits avec de beaux panoramas sont des prés privés), mais je peux tout de même assister au coucher du soleil.
Ce soir, je dors à la belle étoile. La météo s’annonce clémente pour l’entièreté de ces trois jours de marche, ce qui me réjouis.

Jour 2 : Desingy > avant Charly
La nuit a été belle et calme. Ce matin, alors que je prends mon petit-déjeuner, une meute de quatre gros chiens curieux vient me rendre visite ! Ils ne sont pas agressifs ; ils sont surtout intrigués et viennent me coller d’un peu trop près, avant de repartir terminer leur promenade matinale. Quant à moi, je lève le camp sous un beau soleil.
Cette portion est plus agréable que celle de la veille. Même s’il fait très chaud et qu’il y a beaucoup de parties sur des routes goudronnées, je traverse de jolis villages, et la vue sur les Alpes qui se rapprochent est plaisante.
Je m’égare un peu à la sortie de Frangy, une petite ville dans laquelle on peut se ravitailler – je me retrouve dans des quartiers résidentiels ennuyeux, et je galère à rebrousser chemin. Pour ma défense, le balisage n’était pas très visible de là où je me trouvais. Il ne faut pas oublier que je parcours la voie de Genève ”à l’envers” ; la position des balises peut être plus hasardeuse – même si dans l’ensemble il n’y a aucun problème.
Alors que je grimpe encore plus dans les hauteurs pour atteindre un plateau, le Mont Blanc apparaît devant mes yeux. Ce temps clair me permet d’avoir une vue limpide sur les montagnes, ce qui me régale.
Quand j’écris que le sentier grimpe dans les ”hauteurs”, je précise que l’on reste quand même en-dessous des 1000 m d’altitude (il me semble que le point le plus haut de ce tronçon se trouve à environ 870 m). Néanmoins, l’air est plus frais et les panoramas sont beaux. Le chemin lui-même est vraiment facile : les voies sont larges et bien tassées. Il n’y a aucun tronçon technique ; une vraie ”autoroute” comme diraient certains.

Après avoir fait une pause près du village de Contamine-Sarzin, où se trouve une réplique de grotte construite par des moines capucins (ainsi que deux fontaines d’eau potable), je repars sur le plateau en direction du col du Mont-Sion.
Je me pose avant le hameau de Charly pour ma dernière nuit de bivouac, dans un champ à l’herbe fraîchement tondue. Le coucher de soleil est magnifique ce soir. Et la nuit est chaude : jusqu’à minuit encore, il fait 18°C ! Avec mon sac de couchage confort 5°C, je suis un peu sur-équipée… Mais je parviens tout de même à m’endormir.
Jour 3 : Charly > Genève
Dernier jour de marche avant d’arriver à Genève, que j’ai d’ailleurs aperçue au loin alors que je m’installais pour mon bivouac de la veille. La ”vraie” fin de ma randonnée se concrétise, et ça m’émeut. Je ne suis pas très concentrée ce matin, et je m’égare à plusieurs reprises – par manque d’attention, cette fois-ci.
Le chemin redescend doucement dans la vallée, avec beaucoup de parties sur des routes goudronnées, encore. Les villages par lesquels je passe ne me marquent pas plus que ça, même si certains sont plutôt charmants, comme Saint-Blaise, ou la jolie Chartreuse Notre-Dame de Pomier et son agréable bois.
Je fais une frugale pause pique-nique près de la chapelle Notre-Dame de la Paix, juste avant Neydens, avec une vue sur Genève et le lac Léman.

Puis je descends pour de bon, et les routes goudronnées s’enchaînent. Je franchis la frontière, une simple barrière formelle, et me voilà en Suisse. Ensuite, le chemin m’emmène presque tout droit jusqu’à Genève, et je quitte vite la nature pour entrer en banlieue. Ce n’est pas très agréable, mais je constate que le tracé essaie de faire passer au maximum par des endroits tranquilles.
Après avoir traversé Carouge, une petite ville plutôt sympathique, j’arrive enfin à Genève.
Ma randonnée estivale est bel et bien terminée. Je peux ranger mes bâtons de marche et troquer mon gros sac à dos contre un petit sac pliable que je trouve très pratique.
Je passe une nuit à Genève, et j’en profite pour faire ma touriste et visiter le centre. Le cadre de vie est super agréable – le lac Léman, les Alpes, la vue imprenable sur le Mont Blanc… – mais la ville en elle-même n’est qu’un étalage d’argent et de luxe. Je sais que Genève n’est pas représentative de la Suisse (comme Paris n’est pas représentative de la France), mais je ne me sens pas vraiment à ma place ici.

Ça ne fait rien. Je suis heureuse d’être arrivée à destination, heureuse d’avoir terminé en beauté mon aventure en prenant un bon repas devant le lac Léman.
Qu’ai-je pensé de ces trois jours sur la Via Gebennensis ?
C’étaient trois jours plutôt agréables, et je prends bien en compte que c’était complètement improvisé, donc que je ne savais pas à quoi m’attendre. Je ne connais pas la voie de Genève en entier, mais, en tout cas, pour la portion que j’ai parcourue, je dirais que c’est assez joli dans l’ensemble, mais qu’il y a trop de parties sur routes goudronnées.
C’est un chemin facile, autant pour les aspects physique et technique, que pour les infrastructures disponibles. De ce point de vue-là, c’est très reposant.
Est-ce que je recommande ce chemin ?
Pourquoi pas. Je pense qu’il est intéressant seulement si vous comptez vous rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle, ou que vous avez un objectif précis en tête. Encore une fois, je ne sais pas ce que vaut la Via Gebennensis dans son entièreté.
Pour moi, c’était un agréable final après ma Grande Traversée du Jura, mais sans plus. Eh oui, on ne marche pas toujours sur des chemins extraordinaires ; c’est aussi ça l’aventure !
