Mon voyage au Portugal : un profond voyage intérieur

De tous les voyages que j’ai réalisés jusqu’à présent, je pense que celui au Portugal a été le plus particulier. Chaque voyage m’a marquée, bien sûr, pour des raisons différentes. Mais celui-ci a eu une saveur unique et étrange.
Je suis partie dans un drôle d’état d’esprit. Différentes choses se passaient dans ma vie privée, qui me chamboulaient.
Mais aussi, je partais sans m’être vraiment renseignée au préalable sur le pays que je comptais découvrir pendant un mois. Au contraire de mon voyage en Roumanie, où j’avais pioché pas mal d’informations pour naviguer en toute sérénité, j’allais au Portugal presque à l’aveuglette. Je voyais à peu près où je souhaitais me rendre, quels endroits pourraient être intéressants pour moi, mais ça s’arrêtait là. Je comptais improviser au fur et à mesure de mes envies et de mon intuition.

J’ai choisi d’aller au Portugal en train, en prenant un pass Interrail. Je souhaitais éviter de m’y rendre en avion, qui est de loin le moyen de transport le plus polluant ; mais aussi, je voulais véritablement ressentir le voyage. Voir le paysage défiler devant mes yeux, expérimenter la lenteur (relative) du train, les distances, l’effort que ça demande de se rendre dans un autre pays. Ce n’est pas anodin de voyager ; et l’avion, de par sa rapidité, peut nous déconnecter de la géographie du monde.
Je souhaitais m’imprégner de cette géographie.

Déconnexion

Comme je l’ai écrit plus haut, j’étais dans un état d’esprit particulier avant même de commencer ce périple. Je sentais que des choses importantes se passaient en moi, que des verrous étaient en train de sauter, que d’anciens schémas de fonctionnement étaient en train d’être questionnés et balayés. J’étais à fleur de peau. Je suis déjà une hypersensible ; mais là, mes émotions étaient exacerbées. Et je faisais en sorte de ne pas les fuir.

En voyageant seule, je ne pouvais pas me distraire avec la présence de quelqu’un d’autre. J’ai poussé la démarche encore plus loin, en m’imposant de ne presque pas aller sur les réseaux sociaux – et notamment Instagram. Ces derniers temps, je m’étais sentie tomber dans une sorte de dépendance malsaine à ces plateformes. Je m’y connectais trop à mon goût, je guettais un peu trop les notifications, et je regardais trop souvent les statistiques de mon compte. Ça ne me plaisait pas. Je voyais que j’essayais de combler un vide, mais il était nécessaire que je regarde ce vide en face.
Un mois de voyage en solo. Me retrouver dans un pays que je ne connaissais pas ; obligée d’être dans l’instant présent. J’ai choisi cette discipline, j’ai choisi de ne pas me fuir. C’est difficile, quand les émotions que l’on ressent sont désagréables, inconfortables. Mais c’est une démarche essentielle si l’on souhaite progresser et se libérer de schémas qui entravent son propre épanouissement.

Besoin d’être seule

De fait, pendant ce mois au Portugal, j’ai très souvent ressenti le besoin d’être seule. Je n’ai séjourné que quelques nuits en auberges de jeunesse, à Lisbonne et à Faro. J’ai logé dans une maison en colocation quand j’étais à Monchique, mais j’avais ma propre chambre et j’y passais beaucoup de temps – d’autant plus que la météo maussade à ce moment de mon voyage n’aidait pas à avoir envie de sortir. Pour le reste, que ce soit à Lagos, Sagres ou Ferragudo, je me suis payé des appartements individuels.
Je ne suis allée dans aucun restaurant ni bar (sauf une fois, à Lisbonne). Pourtant, d’habitude, j’aime me rendre dans ces endroits. Mais je sentais que je n’avais envie de parler à personne – et même les quelques fois où j’ai pu être tentée de sortir le soir, je me suis rétractée.
Ça peut sembler dommage, quand on visite un pays étranger, de ne presque pas avoir de contact avec les locaux, ni de goûter aux spécialités culinaires locales. Tant pis. J’ai préféré m’écouter et ne pas me forcer.

J’ai profité de ces nombreux moments de solitude pour me balader au sein d’une superbe nature sauvage. J’ai parcouru de beaux chemins de randonnée, comme le sentier des pêcheurs vers le cap Saint-Vincent, ou le Caminho dos Promontórios. Je me suis ressourcée en me posant sur le sable des magnifiques plages de l’Algarve, face aux vagues de l’océan Atlantique.
Et quand je me retrouvais seule dans les appartements que j’ai loués, j’en profitais pour faire des séances de Pilates ou de yoga, pour travailler sur le montage de mes vidéos, ou pour me cuisiner de bons petits plats.
Ce temps pour moi était indispensable pour mon bien-être.
Je réfléchissais beaucoup, je ruminais parfois un peu trop – quand on est seul, il est difficile d’y échapper -, mais j’étais en accord avec moi-même. Un travail important était en train de s’opérer en moi : je me suis retroussé les manches, et je m’y suis confrontée.

Des émotions intenses

Quand un bouleversement intérieur est en train de se produire, on se sent souvent plus vulnérable, plus sensible. Il est plus difficile de contenir ses émotions. Celles-ci peuvent déborder sans crier gare. Il vaut mieux les laisser sortir, les laisser s’exprimer (même si ça peut être déroutant ou désagréable) plutôt que de les garder en soi. Car en les extériorisant, on dénoue des choses à l’intérieur de soi, et on peut mieux se comprendre – ou bien se sentir plus apaisé.

Pendant ce voyage, j’ai beaucoup pleuré. Pas à cause d’événements qui me sont directement arrivés, mais parce que j’étais submergée par ce qui se passait en moi. Beaucoup de prises de conscience et de remises en question. Forcément, ça chamboule.
Je n’ai pas passé tout mon séjour à être triste : j’ai aussi pu ressentir des joies profondes, notamment quand je me trouvais au milieu de cette belle et impressionnante nature en Algarve. Les rayons du soleil sur ma peau, l’air marin, la puissance des vagues, les reliefs torturés des falaises, la végétation luxuriante, les douces températures me faisaient beaucoup de bien. J’y étais encore plus réceptive qu’en temps normal.
Et le fait que j’ai choisi de me déconnecter des réseaux sociaux m’a fait d’autant plus apprécier l’instant présent, et m’a permis d’encore mieux faire le point avec mes émotions, sans avoir la tentation de me réfugier dans mon téléphone portable pour me distraire de moi-même.

Ces émotions intenses m’ont accompagnée pendant tout mon voyage. Elles ont pu s’exprimer, parce que je laissais la vacance suffisante en moi pour qu’elles prennent leur juste place.
Je ne me trouvais pas dans le même genre de situation que lors de mes randonnées itinérantes. Lors d’une marche de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, je trouve que l’on est moins dans l’incertitude. On sait où l’on compte se rendre, on a une destination précise en ligne de mire. On est en mouvement, on avance, on est dans l’instant présent de la randonnée et des nécessités qu’elle demande – se nourrir, se laver, dormir, recommencer.

Mais lors de ce voyage au Portugal, où je pouvais rester plusieurs jours d’affilée au même endroit, je devais sans cesse inventer mes journées. Parfois, je me promenais sans but. Je n’avais aucune idée d’où je souhaitais me rendre dans les prochains jours, ou même dans les prochaines heures. Cette situation laissait beaucoup de place en moi pour des réflexions diverses, des ruminations parfois, de fortes émotions bien sûr. Mais c’était ce qu’il me fallait. C’était le « format » de voyage que j’avais décidé de vivre.

Oui, ce voyage d’un mois au Portugal a été très particulier pour moi. Intense, beau, étrange parfois.
Il devait se passer comme il s’est passé.

À mon retour, je n’étais pas vraiment calmée, ni apaisée. Au contraire : cette aventure a éveillé beaucoup de questions, de doutes, mais aussi d’envies de changement, de projets. C’est pour le mieux, je le sais. Mais ça secoue.
Ma vie est actuellement en chantier, sous tous ses aspects. Je vois tout ce qu’il faut que je mette en place, toutes les démarches que je dois suivre, si jamais je veux que ces changements dont j’ai besoin s’opèrent. C’est vertigineux, ça demande beaucoup d’efforts et de patience, mais c’est aussi excitant.
Je peux dire que ce voyage au Portugal s’est déroulé à un moment de ma vie où, de toute façon, ces changements auraient eu lieu. Mais il m’a sans doute permis un vrai travail d’introspection qui a accéléré certaines prises de conscience, tout en me faisant découvrir un superbe pays plein de richesses et de surprises.

J’ai vécu ce voyage au moment où je devais le vivre, et je l’ai vécu de la manière à laquelle je devais le vivre.
Plus d’un mois après mon retour en France, j’entrevois ce que cette aventure m’a apporté. Plus j’aurai du recul, plus je constaterai son effet sur moi, et plus j’en récolterai les fruits.
Quelle merveilleuse expérience, quel voyage ! Je vous souhaite de vivre des périples aussi marquants.
Si jamais vous souhaitez voir cette aventure autrement que par écrit, j’en ai fait une série de vidéos disponible sur ma chaîne YouTube.

En attendant d’autres voyages et d’autres randonnées, je vous souhaite une très belle année 2023.
À bientôt !