Voyager, randonner seule… Pourquoi ?

Pourquoi est-ce que je choisis de randonner seule ? De voyager seule ?

Ce sont parfois les questions que l’on me pose. “On” englobe certaines personnes de mon entourage – bien que, depuis le temps que je pratique mes périples en solitaire, elles se sont habituées et ne me questionnent plus -, mais surtout des personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux.
Je ne décèle pas de jugement dans cette question. Plutôt de la curiosité, mêlée à de l’inquiétude ou de l’admiration, pour quelques-unes d’entre elles.

Même si de plus en plus de femmes randonnent, voyagent seules, je n’en ai pas rencontré tant que ça lors de mes aventures. Ma démarche suscite encore de l’étonnement. Que ce soit de la part de femmes ou d’hommes, j’ai reçu tous types de remarques.
Je compte en faire une vidéo dédiée sur ma chaîne YouTube, donc je ne vais pas plus en parler ici. Par contre, je peux vous raconter comment j’en suis venue à randonner et voyager seule, et pourquoi je revendique cette pratique.

Repos lors de ma marche sur la Grande Traversée du Jura

Une question de représentation

Même si j’ai vécu une enfance citadine en banlieue parisienne, j’ai eu la chance de souvent partir en vacances en famille. J’ai toujours aimé crapahuter, marcher dans la nature, découvrir de nouveaux endroits. Petite, j’avais déjà un goût prononcé pour l’aventure et l’imaginaire, enrichi par les nombreuses histoires que je lisais ou que j’écoutais sur ma radio-cassette. Même si les héroïnes aventurières n’étaient pas encore très répandues (dans mes souvenirs), je ne faisais pas la différence entre garçon et fille. Je ne me sentais pas limitée du fait que j’étais une fille, et quand j’y réfléchis, j’ai reçu une éducation très peu genrée.

Les remarques du style “cette activité est pour les filles, celle-ci est pour les garçons” me sont parvenues aux oreilles quand j’étais à l’école. Mais je ne les comprenais pas, je les trouvais insensées. C’était comme si l’on me parlait une langue étrangère. Pourquoi y aurait-il un sport pour filles et un sport pour garçons ? Pourquoi tel instrument de musique est-il connoté masculin, et tel autre féminin ? Je trouvais ça absurde, et je continue de penser que ça l’est.

Adolescente, puis jeune adulte, je me suis prise de passion pour les voyages sac au dos. Je me suis rendue dans pas mal d’endroits du monde, mais je ne partais pas seule. Soit j’étais avec des amies, soit je partais par le biais d’un organisme. À l’époque, je crois que ça ne me venait pas à l’idée de voyager en solitaire. Ce n’était même pas une question. Aucune femme de mon entourage ne partait seule, je ne lisais pas ou ne regardais pas de récits de voyages. En réalité, j’étais entourée de personnes plutôt casanières. Je me souviens seulement du merveilleux livre autobiographique Passagère du silence, de Fabienne Verdier, à qui je m’identifiais plus ou moins consciemment.

Mon voyage solo en Algarve, Portugal : ici, le cap Saint-Vincent

Le déclic est survenu durant l’été de mes vingt-cinq ans. Je ne saurais pas vraiment expliquer comment. Je pense que c’était une envie, un désir d’aventure qui était en moi depuis longtemps, mais que j’ai inconsciemment refoulé.
J’ai eu l’idée de marcher sur l’un des chemins de Compostelle les plus connus en France : la Via Podiensis (ou voie du Puy). J’en ai écrit tout un article, que vous pouvez retrouver ici. C’était une superbe expérience, qui m’a beaucoup appris sur moi-même et sur mes capacités. Mais surtout : elle m’a donné le goût de la randonnée et du voyage en solitaire. Je m’en sentais dorénavant capable, et un changement profond s’est opéré en moi.

Si je me suis aventurée seule sur ce chemin de Compostelle, c’est en partie grâce à une femme : Sylvie de RadioCamino – qui est souvent vue comme LA référence du pèlerinage vers Santiago. Plus tard, pour mes premiers bivouacs en solo, j’ai été inspirée par Suzanne de L’instant vagabond. Leurs conseils et leurs expériences prodigués sur leur chaîne YouTube et sur leur site Internet m’ont donnés envie de me lancer à mon tour.
D’autres femmes dont j’apprécie et j’admire le contenu m’ont accompagnée lors de mes autres aventures : Little Gypsy, Swann Périssé, Eva zu Beck et Sorelle Amore.
Si je parle d’elles, c’est déjà pour les remercier, car elles m’ont indirectement aidée dans mon cheminement personnel. Mais aussi, parce que j’avais enfin des représentations de femmes aventurières, libres, douées et courageuses, qui n’hésitent pas à partir seules à l’aventure, à dépasser leurs limites, à casser les codes sociaux.

Lors de mes voyages et de mes randonnées itinérantes, j’ai rencontré quelques femmes seules, mais assez peu quand j’y repense. Pourtant, je sais qu’elles existent. Je les vois de plus en plus partager leurs périples sur Internet. Ça me fait chaud au cœur. Je me dis que je fais partie de ce mouvement, que j’en suis une humble représentante.
C’est par la représentation que nos horizons s’élargissent. Que de nouvelles possibilités s’offrent à nous, et qu’elles se matérialisent dans notre réalité. Le fait de voir toutes ces femmes vivre ces aventures, selon leurs règles et leurs définitions, est inspirant. Comme je l’ai écrit plus haut, c’est en partie grâce à elles que je me suis lancée à mon tour.

Une aquarelle que j’ai faite

Un plaisir et une revendication

Voyager seule et randonner seule sont devenus un réel plaisir pour moi.
Bien sûr, à mes débuts, j’avais des peurs et des doutes qui m’assaillaient – mais qui ne m’ont jamais empêchée d’agir. Aujourd’hui, j’en ai encore, comme à chaque commencement d’aventure – car l’inconnu réveille quelques appréhensions. Mais ce n’est pas le fait de partir seule qui me met dans l’inconfort.

Plus je prends l’habitude de randonner, bivouaquer, voyager seule, plus je gagne en confiance. Je me rends de mieux en mieux compte de mes capacités et de ma débrouillardise. Je me suis étonnée moi-même plusieurs fois ; que ce soit par mon audace, ma résilience, ma force, ou des solutions que je parvenais à trouver.
Je pense que nous avons toutes et tous ces ressources en nous-même. Le fait de partir seule me permet de m’y confronter. Une fois que je suis sur le terrain, au cœur de certaines situations, je n’ai pas le choix. Et quand je n’ai pas le choix, je ne prends pas le temps de tergiverser : je dois prendre une décision rapidement.

J’aime me retrouver dans ces moments de solitude bien concrète, bien ancrée dans le réel. Dans une société occidentale où nous avons beaucoup (trop) de confort et de choix, nous pouvons nous sentir bloqués, paralysés. Nous pensons trop, nous n’agissons pas assez. Je crois que le simple fait de nous confronter au réel pur et dur, de savoir que nous devons avant tout compter sur nous-même, nous rend plus puissant et plus endurant.
J’encourage tout un chacun à sauter le pas, à oser s’aventurer dans l’inconnu, dans l’inconfort, même si l’on a peur. On peut se découvrir des ressources insoupçonnées.

Marcher seule, voyager seule est aussi une revendication pour moi. Comme je l’ai écrit précédemment, nous avons besoin de représentations, de modèles. De par ma simple démarche, et du fait de la communiquer avec autrui, je montre et je revendique qu’il est possible de faire toutes ces choses en tant que femme seule. Que nous n’avons pas besoin d’un homme pour y parvenir.
Nous pouvons avoir envie d’être avec un homme, bien sûr, mais nous n’en avons pas besoin. Là est toute la différence.

Randonnée solo en Seine-et-Marne

Est-ce que j’apprécie la compagnie ?

J’aime beaucoup rencontrer de nouvelles personnes, que ce soit au cours de mes randonnées itinérantes ou de mes voyages. D’ailleurs, je trouve que le fait d’être seule rend la rencontre plus facile.

J’ai fait de superbes rencontres lors de mes aventures. La plupart ont été éphémères, mais néanmoins marquantes et authentiques, pleines de simplicité et de partage. Mais j’ai rencontré des personnes qui sont devenues des amis, et d’autres qui sont devenues des amants. Pour moi, tout est possible, et je laisse la vie me proposer ce qu’elle a à m’offrir.
J’aime marcher en compagnie de personnes que je viens de rencontrer, discuter jusqu’au bout de la nuit avec des compagnons d’auberges de jeunesse, partager un repas avec les habitants d’un village qui m’ont invitée à leur table. C’est, pour moi, une saveur indispensable à un voyage ou à une randonnée réussis.

Il y a des moments où j’ai besoin d’être seule, où je ne suis pas d’humeur à faire des rencontres. Dans ces cas-là, je m’écoute et j’accepte ce qui se passe en moi. Mais il est rare que cette sensation dure longtemps. J’aime le contact humain, et je suis en recherche de celui-ci ; encore plus lorsque je voyage seule, car j’ai le cœur plus ouvert que d’habitude. Le fait de ne pas me trouver dans mon environnement habituel, de ne pas avoir mes habitudes du quotidien, me rend plus réceptive et plus aventureuse. Je ne regrette que rarement les rencontres que je fais. De manière générale, celles-ci se passent très bien, et j’ai même pu entrer en contact avec des personnes extraordinaires.

Enfin, pour ce qui est de partir en randonnée ou en voyage avec mes proches, la démarche est autre.
Je ne suis pas contre ; je pense même que c’est une expérience toute aussi enrichissante que de partir seule. Elle est enrichissante autrement. Différentes énergies sont déployées.
Cependant, je pense que l’on n’atteint pas le même niveau de retour à soi, de dépassement de soi, que lorsqu’on est seul. Quand on est avec un proche, on a tendance à s’accrocher à lui, à s’appuyer sur sa présence – ce qui peut être très reposant parfois. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais l’aventure n’est pas la même. À deux, ou à plusieurs, on se trouve dans une sorte de bulle confortable et rassurante. Seul, cette bulle n’existe pas, ou presque pas.
Les deux démarches sont intéressantes ; les résultats et le vécu sont différents.

Randonnée solo en Algarve, Portugal

Voilà pourquoi j’aime autant voyager et randonner seule.
J’encourage tout un chacun à l’expérimenter, au moins une fois dans sa vie. Je crois que l’on ne peut avoir que de bonnes surprises par rapport à soi-même, et qu’un potentiel incroyable peut se révéler à soi.
Il suffit d’aller le chercher.

Mon voyage au Portugal : un profond voyage intérieur

De tous les voyages que j’ai réalisés jusqu’à présent, je pense que celui au Portugal a été le plus particulier. Chaque voyage m’a marquée, bien sûr, pour des raisons différentes. Mais celui-ci a eu une saveur unique et étrange.
Je suis partie dans un drôle d’état d’esprit. Différentes choses se passaient dans ma vie privée, qui me chamboulaient.
Mais aussi, je partais sans m’être vraiment renseignée au préalable sur le pays que je comptais découvrir pendant un mois. Au contraire de mon voyage en Roumanie, où j’avais pioché pas mal d’informations pour naviguer en toute sérénité, j’allais au Portugal presque à l’aveuglette. Je voyais à peu près où je souhaitais me rendre, quels endroits pourraient être intéressants pour moi, mais ça s’arrêtait là. Je comptais improviser au fur et à mesure de mes envies et de mon intuition.

J’ai choisi d’aller au Portugal en train, en prenant un pass Interrail. Je souhaitais éviter de m’y rendre en avion, qui est de loin le moyen de transport le plus polluant ; mais aussi, je voulais véritablement ressentir le voyage. Voir le paysage défiler devant mes yeux, expérimenter la lenteur (relative) du train, les distances, l’effort que ça demande de se rendre dans un autre pays. Ce n’est pas anodin de voyager ; et l’avion, de par sa rapidité, peut nous déconnecter de la géographie du monde.
Je souhaitais m’imprégner de cette géographie.

Déconnexion

Comme je l’ai écrit plus haut, j’étais dans un état d’esprit particulier avant même de commencer ce périple. Je sentais que des choses importantes se passaient en moi, que des verrous étaient en train de sauter, que d’anciens schémas de fonctionnement étaient en train d’être questionnés et balayés. J’étais à fleur de peau. Je suis déjà une hypersensible ; mais là, mes émotions étaient exacerbées. Et je faisais en sorte de ne pas les fuir.

En voyageant seule, je ne pouvais pas me distraire avec la présence de quelqu’un d’autre. J’ai poussé la démarche encore plus loin, en m’imposant de ne presque pas aller sur les réseaux sociaux – et notamment Instagram. Ces derniers temps, je m’étais sentie tomber dans une sorte de dépendance malsaine à ces plateformes. Je m’y connectais trop à mon goût, je guettais un peu trop les notifications, et je regardais trop souvent les statistiques de mon compte. Ça ne me plaisait pas. Je voyais que j’essayais de combler un vide, mais il était nécessaire que je regarde ce vide en face.
Un mois de voyage en solo. Me retrouver dans un pays que je ne connaissais pas ; obligée d’être dans l’instant présent. J’ai choisi cette discipline, j’ai choisi de ne pas me fuir. C’est difficile, quand les émotions que l’on ressent sont désagréables, inconfortables. Mais c’est une démarche essentielle si l’on souhaite progresser et se libérer de schémas qui entravent son propre épanouissement.

Besoin d’être seule

De fait, pendant ce mois au Portugal, j’ai très souvent ressenti le besoin d’être seule. Je n’ai séjourné que quelques nuits en auberges de jeunesse, à Lisbonne et à Faro. J’ai logé dans une maison en colocation quand j’étais à Monchique, mais j’avais ma propre chambre et j’y passais beaucoup de temps – d’autant plus que la météo maussade à ce moment de mon voyage n’aidait pas à avoir envie de sortir. Pour le reste, que ce soit à Lagos, Sagres ou Ferragudo, je me suis payé des appartements individuels.
Je ne suis allée dans aucun restaurant ni bar (sauf une fois, à Lisbonne). Pourtant, d’habitude, j’aime me rendre dans ces endroits. Mais je sentais que je n’avais envie de parler à personne – et même les quelques fois où j’ai pu être tentée de sortir le soir, je me suis rétractée.
Ça peut sembler dommage, quand on visite un pays étranger, de ne presque pas avoir de contact avec les locaux, ni de goûter aux spécialités culinaires locales. Tant pis. J’ai préféré m’écouter et ne pas me forcer.

J’ai profité de ces nombreux moments de solitude pour me balader au sein d’une superbe nature sauvage. J’ai parcouru de beaux chemins de randonnée, comme le sentier des pêcheurs vers le cap Saint-Vincent, ou le Caminho dos Promontórios. Je me suis ressourcée en me posant sur le sable des magnifiques plages de l’Algarve, face aux vagues de l’océan Atlantique.
Et quand je me retrouvais seule dans les appartements que j’ai loués, j’en profitais pour faire des séances de Pilates ou de yoga, pour travailler sur le montage de mes vidéos, ou pour me cuisiner de bons petits plats.
Ce temps pour moi était indispensable pour mon bien-être.
Je réfléchissais beaucoup, je ruminais parfois un peu trop – quand on est seul, il est difficile d’y échapper -, mais j’étais en accord avec moi-même. Un travail important était en train de s’opérer en moi : je me suis retroussé les manches, et je m’y suis confrontée.

Des émotions intenses

Quand un bouleversement intérieur est en train de se produire, on se sent souvent plus vulnérable, plus sensible. Il est plus difficile de contenir ses émotions. Celles-ci peuvent déborder sans crier gare. Il vaut mieux les laisser sortir, les laisser s’exprimer (même si ça peut être déroutant ou désagréable) plutôt que de les garder en soi. Car en les extériorisant, on dénoue des choses à l’intérieur de soi, et on peut mieux se comprendre – ou bien se sentir plus apaisé.

Pendant ce voyage, j’ai beaucoup pleuré. Pas à cause d’événements qui me sont directement arrivés, mais parce que j’étais submergée par ce qui se passait en moi. Beaucoup de prises de conscience et de remises en question. Forcément, ça chamboule.
Je n’ai pas passé tout mon séjour à être triste : j’ai aussi pu ressentir des joies profondes, notamment quand je me trouvais au milieu de cette belle et impressionnante nature en Algarve. Les rayons du soleil sur ma peau, l’air marin, la puissance des vagues, les reliefs torturés des falaises, la végétation luxuriante, les douces températures me faisaient beaucoup de bien. J’y étais encore plus réceptive qu’en temps normal.
Et le fait que j’ai choisi de me déconnecter des réseaux sociaux m’a fait d’autant plus apprécier l’instant présent, et m’a permis d’encore mieux faire le point avec mes émotions, sans avoir la tentation de me réfugier dans mon téléphone portable pour me distraire de moi-même.

Ces émotions intenses m’ont accompagnée pendant tout mon voyage. Elles ont pu s’exprimer, parce que je laissais la vacance suffisante en moi pour qu’elles prennent leur juste place.
Je ne me trouvais pas dans le même genre de situation que lors de mes randonnées itinérantes. Lors d’une marche de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, je trouve que l’on est moins dans l’incertitude. On sait où l’on compte se rendre, on a une destination précise en ligne de mire. On est en mouvement, on avance, on est dans l’instant présent de la randonnée et des nécessités qu’elle demande – se nourrir, se laver, dormir, recommencer.

Mais lors de ce voyage au Portugal, où je pouvais rester plusieurs jours d’affilée au même endroit, je devais sans cesse inventer mes journées. Parfois, je me promenais sans but. Je n’avais aucune idée d’où je souhaitais me rendre dans les prochains jours, ou même dans les prochaines heures. Cette situation laissait beaucoup de place en moi pour des réflexions diverses, des ruminations parfois, de fortes émotions bien sûr. Mais c’était ce qu’il me fallait. C’était le « format » de voyage que j’avais décidé de vivre.

Oui, ce voyage d’un mois au Portugal a été très particulier pour moi. Intense, beau, étrange parfois.
Il devait se passer comme il s’est passé.

À mon retour, je n’étais pas vraiment calmée, ni apaisée. Au contraire : cette aventure a éveillé beaucoup de questions, de doutes, mais aussi d’envies de changement, de projets. C’est pour le mieux, je le sais. Mais ça secoue.
Ma vie est actuellement en chantier, sous tous ses aspects. Je vois tout ce qu’il faut que je mette en place, toutes les démarches que je dois suivre, si jamais je veux que ces changements dont j’ai besoin s’opèrent. C’est vertigineux, ça demande beaucoup d’efforts et de patience, mais c’est aussi excitant.
Je peux dire que ce voyage au Portugal s’est déroulé à un moment de ma vie où, de toute façon, ces changements auraient eu lieu. Mais il m’a sans doute permis un vrai travail d’introspection qui a accéléré certaines prises de conscience, tout en me faisant découvrir un superbe pays plein de richesses et de surprises.

J’ai vécu ce voyage au moment où je devais le vivre, et je l’ai vécu de la manière à laquelle je devais le vivre.
Plus d’un mois après mon retour en France, j’entrevois ce que cette aventure m’a apporté. Plus j’aurai du recul, plus je constaterai son effet sur moi, et plus j’en récolterai les fruits.
Quelle merveilleuse expérience, quel voyage ! Je vous souhaite de vivre des périples aussi marquants.
Si jamais vous souhaitez voir cette aventure autrement que par écrit, j’en ai fait une série de vidéos disponible sur ma chaîne YouTube.

En attendant d’autres voyages et d’autres randonnées, je vous souhaite une très belle année 2023.
À bientôt !

Malaisie, Malaisie…

Ma7

« J’ai comme un malaise en Malaisie – c’est commun, comme si la fièvre m’avait saisi », chantait Alain Chamfort.

La chaleur est étouffante, une chaleur que l’on ne peut pas connaître en Europe. L’air est humide à 90%, la température est la même toute l’année, supérieure aux 30°C. La nuit tombe vers 18h ou 19h, parce qu’on est proche de l’équateur. Les gens se lèvent tôt et se couchent tôt, et l’après-midi rien ne bouge – sauf les pauvres touristes perdus qui s’éventent, se brumatisent et se remplissent de boissons fraîches et de glaces. Les animaux sont apathiques à cause de leur fourrure, et tout le monde fait la sieste sur un banc, au pied d’un palmier ou à même le sol. Les ventilateurs au plafond tournent sans cesse, quand ce ne sont pas les climatiseurs qui marchent à fond dans les centres commerciaux, les hôtels et les auberges de jeunesse.

Partout, où que l’on aille, la végétation est exubérante, dense, d’un vert intense, les arbres débordent de mangues et de noix de coco, et les fleurs explosent en massifs colorés. La jungle est envahissante, jusqu’au bord des routes, et les étals ambulants exposent leurs durians, leurs mangoustans et leurs lots de petites bananes à la chair orangée aux yeux des automobilistes.

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En ville, les temples bouddhistes, taoïstes, hindous, les églises et les mosquées se côtoient. Les messes et les appels à la prière se répondent. On brûle de l’encens dans les rues, on dispose des offrandes devant des petits autels, on fabrique des colliers de fleurs, on célèbre le ramadan.
Beaucoup de femmes sont voilées mais jouissent d’une grande liberté pour la plupart – du moins, c’est ce qu’il me semble, de mon point de vue de Française agnostique qui essaie de se renseigner un peu plus sur les différentes religions du monde et qui prend garde, autant qu’elle le peut, de ne pas tomber dans le cliché de l’Occidental qui se pense un peu supérieur et qui essaie d’imposer sa façon de voir les choses. J’essaie de me fondre, j’essaie de m’oublier pour mieux m’imprégner.

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Kuala Lumpur est un étau étouffant et bruyant, et est un sacré mélange de buildings insolemment hauts et de petites bâtisses et de trottoirs chaotiques au sein de Chinatown et de Little India. Singapour est une bulle hermétique dans laquelle, en apparence, rien ne dépasse, et tout est un peu trop propre, lisse et brillant pour être honnête. Melaka est plus calme, plus authentique et plus historique, et cette ancienne ville marchande, ce port aux épices, a conservé son influence européenne dans son architecture.
Le contraste entre les gratte-ciel et les HLM qui poussent comme des champignons un jour de pluie, les habitations précaires et à moitié délabrées, et la nature imposante, belle et rude, est troublant.

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La Malaisie et ses jungles, ses montagnes, ses plages de carte postale aux eaux si transparentes et turquoises que l’on se croirait dans une piscine géante, avec ses plantations de thé et ses champs de serres en plastique, ses petites villes pauvres et sales dans lesquelles rien ne se passe, ses habitants d’une gentillesse extrême au grand sourire blanc et aux yeux rieurs, ses chats errants, ses tas d’ordures et ses décharges en pleine nature, ses singes et ses rats, ses papillons aussi grands qu’une main qui viennent se cogner aux néons, ses moustiques insatiables, ses nuages de pollution et ses forêts immenses et inhabitées, ses odeurs de curry et de sauce soja, ses fortes communautés chinoise et indienne, ses nombreux langages, la mondialisation qui la rattrape ; la Malaisie est un melting pot où apparemment de plus en plus d’Européens aiment passer leurs vacances et se sentent inévitablement dépaysés.

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Trois semaines ce n’est rien, trois semaines c’est ridicule ; et pourtant, j’ai l’impression d’avoir tellement vu, d’avoir tellement senti, goûté, entendu, touché, vécu en si peu de temps. La Malaisie c’est aussi des odeurs et des saveurs que je ne retrouverai jamais en France ; un goût de « reviens-y », un goût d’Asie qui m’attire et qui me donne envie d’explorer tous ces nombreux pays qui la composent.

Ces voyages me permettent également de me rendre compte à quel point j’aime mon pays, à quel point j’aime ma ville, et que ce sentiment de manque, cette petite pointe de nostalgie quand je suis loin de l’endroit que j’appelle ma maison, ce sentiment que je connais bien maintenant, est toujours présent.
C’est pour ça que j’aime voyager et que je veux continuer à parcourir le monde. Pour réaliser la chance que j’ai de vivre en France (surtout que nous, Français, crachons bien trop sur notre pays à mon goût), mais aussi et surtout pour y découvrir plein de petits « chez moi », pleines de petites « maisons » dans lesquelles je peux essayer, à mon humble mesure et autant que possible, de me sentir y appartenir un peu.

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Essayer de résumer la Malaisie, ce serait assez prétentieux de ma part. J’en livre alors un rapide aperçu, à travers mes photos, mes dessins et mon pauvre texte. Mais aucun récit, aucun guide de voyage, aucun livre ne peut remplacer le vécu et les sensations que l’individu éprouve sur le moment, les ressentis qui lui sont propres et qui n’appartiennent à personne d’autre qu’à lui.

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J’ai vécu ma Malaisie, d’autres ont vécu la leur.
Mais je peux partager un peu de la mienne avec vous, pour le simple plaisir de vous raconter, de vous montrer, de vous faire découvrir à travers mon regard, un aspect de ce petit pays d’Asie.
Et maintenant que je suis rentrée, j’éprouve ce sentiment d’hébétude que j’ai apprivoisé aujourd’hui, cette sensation, due entre autres à la fatigue et au jet lag, de ne plus savoir où je suis, de ne pas arriver à croire que je suis de retour à Paris, de me demander ce que je fais là et quel est le sens de tout ça.

« Et maintenant, quoi ? »
Maintenant, la suite de ma vie.

À bientôt.

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