Le GR Tour du Lac d’Annecy

Durant l’été 2018, enhardie par l’expérience de ma première randonnée itinérante en solitaire sur la voie du Puy, j’ai eu envie d’aller explorer les Alpes.

Je souhaitais retourner à Annecy, car j’avais été marquée (à raison) par la beauté de son lac, de la nature environnante, et de la ville en elle-même. Je me suis donc renseignée sur Internet, et j’ai trouvé un sentier faisant le tour du Lac d’Annecy par ses hauteurs.
Ce trek fait une boucle et se parcourt en une semaine environ. Comme il s’agit d’un chemin de montagne, parler de kilomètres n’a pas beaucoup de sens : il vaut mieux calculer son itinéraire en fonction des dénivelés et du temps de marche.

Source : lerandonneurfou.wixsite.com

Je ne sais pas si c’est encore le cas aujourd’hui, mais à l’époque, ce GR n’était pas très connu. Même les personnes à l’office du tourisme d’Annecy ne connaissaient pas ce sentier ! Je me suis un moment demandé dans quoi je m’embarquais ; mais j’avais des informations piochées ici et là sur Internet, ainsi qu’une carte IGN de la région. Ça me suffisait. Je n’ai pas croisé grand-monde sur ce chemin, mais je confirme en tout cas qu’il existe bel et bien !

Je n’ai marché que trois jours sur ce circuit : j’ai dû écourter ma randonnée à cause d’orages prévus sur plusieurs journées d’affilée. Cette randonnée a été une belle expérience, mais elle m’a aussi bien remis les idées en place. Vous allez comprendre pourquoi.

(Précisions : à chaque étape, j’ai noté le temps de marche, ainsi que les dénivelés. Mais ces données restent approximatives.)

Jour 1 : Annecy (450 m) > Refuge du Semnoz (1537 m)

Dénivelé positif : 1370 m
Dénivelé négatif : 275 m
Temps de marche : environ 6h

Au départ d’Annecy, le sentier grimpe directement dans les hauteurs et fait bien travailler les mollets ; on rentre tout de suite dans le vif du sujet ! Mais souvent, qui dit ”montée” dit ”panorama à la clef”. Très vite, le chemin propose un superbe point de vue sur le Lac d’Annecy. La randonnée commence vraiment bien.

Le mont que le sentier gravit est le Semnoz, situé dans le massif des Bauges. Son sommet, le Crêt de Châtillon, culmine à 1702 m. Le GR y mène, d’ailleurs ; en haut se trouve une table d’orientation, où il est possible d’observer toutes les montagnes alentours. Les Alpes sont sublimes, il n’y a aucun doute là-dessus.

Vue sur le lac d’Annecy

Toute la journée, la météo est claire et limpide. Même si l’ascension du Semnoz est raide, avec quelques petits passages délicats lors desquels il est nécessaire de s’aider de ses mains, le chemin serpente surtout entre les bois – ce qui offre une agréable fraîcheur en été.

Malheureusement, je me perds une première fois.
Le sentier est bien balisé – même si en montagne, il est toujours nécessaire de s’aider d’une carte -, mais j’ai carrément raté un panneau, caché sous l’ombre épaisse d’un sapin. Résultat : je descends bien trop bas, et je dois remonter 500 m de dénivelé en plus de ce que j’ai déjà gravi dans la journée. Je m’en serais bien passée !

Crêt de Châtillon

À cause de cette erreur, j’arrive assez tard au refuge du Semnoz : les hôtes n’attendent plus que moi pour le dîner ! Ça fait longtemps que je n’ai pas passé la nuit dans un refuge de montagne, et j’y adore l’ambiance.
Je fais la connaissance d’un père et de son fils qui randonnent dans le coin. Après le dîner, nous nous installons dans des transats, emmitouflés sous des plaids, et nous admirons les étoiles filantes – des ciels comme il ne peut y avoir qu’en montagne.

C’est une nuit magique ; j’aurais presque pu dormir dehors s’il ne faisait pas aussi frais.

Jour 2 : Refuge du Semnoz > Gîte d’étape du Roc des Bœufs (1024 m)

Dénivelé positif : 715 m
Dénivelé négatif : 1240 m
Distance/temps de marche : environ 6h30

La météo est toujours au beau fixe pour ce deuxième jour de marche. Je quitte la compagnie du père et du fils, qui redescendent à Annecy aujourd’hui.
Comme je me suis un peu égarée la veille, je redouble d’attention et je consulte fréquemment ma carte IGN. Je n’ai pas envie de me rajouter du dénivelé pour rien.

La journée se passe sans encombre. Les paysages sont toujours aussi splendides ; je suis bien seule et bien tranquille sur ce GR que personne ne connaît. Par contre, je suis très concentrée. Le chemin comporte plusieurs passages délicats, glissants, raides, à flanc de falaise. Je m’aide de mes mains à de maintes reprises. À l’époque, je suis peu habituée aux sentiers alpins, et même si le GR Tour du Lac d’Annecy ne présente pas beaucoup de tronçons très techniques, je suis impressionnée.

Comme je l’ai écrit plus haut : à ce moment-là, je suis enhardie par ma première expérience sur le chemin de Compostelle en 2017. Je me sens capable de marcher n’importe où. Je constate vite que le terrain montagnard est très différent, plus technique, et bien plus capricieux.

Parmi les endroits notables, le GR fait passer par le col de Leschaux, un col routier alpin situé à 897 m d’altitude.
Le chemin serpente ensuite dans les alpages, avec l’impressionnant sommet du Roc des Bœufs dans le paysage.
J’arrive au gîte d’étape du Roc des Bœufs, situé dans une petite commune appelée Mont Devant, non-loin du village de Bellecombe-en-Bauges. Je me sens assez fière du chemin parcouru aujourd’hui, mais une douleur au genou s’est réveillée, suite à une blessure que je me suis faite sur la voie du Célé quelques mois plus tôt. Je me dis qu’il va falloir que je sois prudente le lendemain.

Jour 3 : Gîte d’étape du Roc des Bœufs > Lathuile (450 m)
Récit d’une mésaventure

Dénivelé négatif : 574 m
Distance/temps de marche : environ 5h

Je sais que c’est mon dernier jour de beau temps aujourd’hui. Des orages sont prévus pour plusieurs journées d’affilée à partir du lendemain – et les orages en montagne, ça ne rigole pas. Plutôt que de continuer à marcher sur le GR, qui m’aurait emmené le jour suivant au col de la Tournette (apparemment le passage le plus délicat et le plus technique de tout le chemin), je choisis de terminer ma randonnée en descendant au village de Lathuile, au bord du Lac d’Annecy.

J’entame donc ma descente, avec l’abrupt Roc des Bœufs dans mon champ de vision. L’étape s’annonce tranquille, dans de beaux et doux paysages, avec le lac d’un bleu scintillant en ligne de mire.

Roc des Bœufs

Mais, je me trompe à nouveau d’itinéraire.
Je rate un embranchement, et je ne comprends pas tout de suite que je suis sur le mauvais chemin. Le sentier que j’emprunte m’amène vers deux pentes très raides, que je suis obligée de grimper si je veux avancer.
Maintenant, alors que j’écris cet article en 2022, j’ai plus d’expérience en tant que randonneuse. J’aurais compris plus tôt que je m’étais trompée et j’aurais consulté ma carte IGN pour me repérer et revenir sur le bon sentier. Mais, en cet été 2018, je n’ai pas ce réflexe. Je reste persuadée que je suis sur le bon chemin, même si j’ai de légers doutes (que je n’écoute pas).

Je teste la première pente, à découvert, qui m’emmène dans des alpages jonchés d’herbes folles, de rochers et de buissons piquants, sans trace d’un quelconque chemin. Je retourne sur mes pas et je décide d’emprunter l’autre pente, avec un sentier caillouteux et étroit serpentant dans une forêt de pins.

Il n’y a pas de balises (ce qui devrait m’interpeler !), mais la présence de nombreux cairns que les marcheurs ont construits pour délimiter le sentier et marquer les tournants. Le chemin grimpe sec, et bientôt, les arbres disparaissent et laissent place à un grand pierrier, en plein cagnard.
J’aurais déjà dû comprendre que je ne suis pas censée grimper autant – je suis censée descendre à Lathuile -, mais je m’y engage quand même. Je n’ai jamais marché dans un pierrier de toute ma vie. Autant vous dire qu’avec mon gros sac lourd, je n’en mène pas large.

Je me retrouve ensuite sur un étroit sentier, très exposé, à flanc de crête. Je suis contre l’arête aiguisée du Roc des Bœufs. J’aperçois le Mont Blanc au loin. J’avance encore un peu, mais je finis par me rendre à l’évidence : je ne suis pas censée être là, et je ne sais pas où je suis. Je commence à paniquer ; surtout que je n’ai presque plus d’eau sur moi, et que je n’ai qu’une pauvre barre énergétique en guise de déjeuner.

Je trouve un maigre coin d’ombre, je m’assieds à même le sentier et je décide d’appeler le 112, le numéro d’urgence, car je ne sais absolument pas où je suis et que j’ai peur.
L’homme au bout du fil me rassure, et m’engage à redescendre. Il dit qu’il me rappellera dans une demi-heure pour savoir où j’en suis. Je m’exécute, tremblante – la descente dans le pierrier m’effraie beaucoup, surtout avec mon sac à dos qui me déséquilibre.
Je vois alors un groupe monter dans ma direction : des gens avec des casques, munis de cordes et de baudriers. Je comprends que je me trouve sur un sentier menant à un spot d’escalade ! Sans le vouloir, je fais rouler quelques pierres en direction du groupe – le moniteur me réprimande, je me sens piteuse.

J’arrive enfin en bas. L’homme du 112 me rappelle, je lui dis que tout va bien, il est rassuré.
Je reviens sur mes pas, et je vois l’embranchement que j’ai raté et qui m’a conduite dans cette galère. Je reprends le bon sentier, qui descend bel et bien sans difficulté à Lathuile. Il me reste pas mal de kilomètres ; je trace, n’ayant plus d’eau sur moi.

J’arrive enfin à Lathuile, je repère le seul bar ouvert : il doit être aux alentours de 15h, ils ne servent plus le déjeuner. Je commande une grande carafe d’eau et une tarte aux myrtilles.
Ça va mieux !
Plus de peur que de mal. Mais la montagne m’a remise à ma place ; j’ai manqué d’humilité et de prudence. J’ai appris une bonne leçon, qui, au final, s’est bien terminée. Et je ne suis pas du tout dégoûtée de la randonnée en montagne, au contraire ! Simplement, je suis plus précautionneuse et plus avertie aujourd’hui.

Annecy

Malgré les difficultés, j’ai adoré le GR Tour du Lac d’Annecy.
J’ai raté quelques beaux passages – comme l’ascension du col de la Tournette, qui culmine à 2351 m. Mais je ne sais pas si je l’aurais bien vécue à l’époque : il y a de nombreux passages escarpés avec des câbles et des chaînes. J’aurais sans doute été très impressionnée (et je le serais autant aujourd’hui, d’ailleurs !).

Mais si vous aimez la montagne, les magnifiques panoramas, que vous avez l’habitude des passages techniques et que vous avez le pied sûr, vous allez vous régaler. C’est certain.

Le tout premier vlog/documentaire de randonnée que j’ai réalisé