J’aime me lancer des défis.
Sans parler d’accomplir d’incroyables exploits, j’apprécie repousser mes limites un peu plus loin et sortir de ma zone de confort. Je souhaite mettre à l’épreuve mes craintes et mes appréhensions, élargir mes perceptions et mon champ de connaissances.
En cette mi-mai 2022, je me dis que ça fait longtemps que je n’ai pas bivouaqué. Et bivouaqué seule, de surcroît.
Par ”bivouac”, j’entends : dormir dehors, poser son camp à la tombée de la nuit et repartir au lever du jour, sans laisser de traces. Une manière de se rapprocher de la nature, d’être en communion avec elle, tout en la respectant.
La dernière fois que j’ai pratiqué le bivouac, c’était sur le Camino Francés en 2020. Ça fait presque deux ans que je ne m’y suis pas confrontée de nouveau. Alors, pour m’y remettre tranquillement, je décide de marcher sur un sentier de randonnée peu connu, à une heure et demi de chez moi : le GR Pays des Yvelines. Long d’un peu plus de 70 km, il peut se parcourir en trois jours. Ça signifie pour moi deux nuits de bivouac.

(Source : boutique.ffrandonnee.fr)
Un matin, j’enfile donc mon sac à dos et mes sandales de marche, je claque la porte de chez moi, et je me rends en TER jusqu’à Épernon (Eure-et-Loir), le point de départ du GR.
Les Yvelines rurales
Souvent, on résume l’Île-de-France à Paris et à sa banlieue bétonnée. Pourtant, il y a beaucoup de nature en région parisienne, ainsi que des endroits ruraux – même si ça demande de s’éloigner de la capitale. Je le montre suffisamment dans mes vidéos de randos-découverte.
Le GR Pays des Yvelines traverse tout l’ouest du département, quasiment à la frontière de l’Eure-et-Loir. Le chemin passe surtout par de charmants petits villages et hameaux, sans commerce, et serpente entre bois et plaines agricoles.
En cette fin de printemps, les blés sont d’un beau vert tendre et les sentiers sont bordés de fleurs multicolores. Il fait un temps magnifique, et les températures sont clémentes, bien que plus fraîches pendant la nuit (aux alentours de 7°C). Ce sont des conditions idéales pour la randonnée, je ne pouvais pas espérer mieux.

À peine avoir quitté la jolie Épernon, je me retrouve dans le calme. Je ne peux pas parler de silence, car la nature est bruyante : la brise à travers les blés et la cime des arbres, le chant des oiseaux qui s’en donnent à cœur-joie, le hennissement des chevaux au loin, la mélodie des ruisseaux m’accompagnent tout le long de mon aventure.
Mais le brouhaha de la ville n’est plus, ou presque. Le GR passe parfois près de départementales ou de chemins de fer, mais ceux-ci sont peu fréquentés. Rien à voir avec les embouteillages et les klaxons dans les rues de Paris.
En parlant de fréquentation : je ne croise aucun randonneur. J’aperçois de temps à autres quelques promeneurs, habitant dans les villages voisins, ou bien des cavaliers avec leurs chevaux. Mais pendant presque trois jours de marche, les sentiers sont déserts.
Une vraie déconnexion
En peu de temps, j’ai l’impression d’avoir basculé dans une autre réalité. Je suis impressionnée.
En trois jours à peine, je me suis pleinement déconnectée de ma vie parisienne.
Je connais cette sensation, et pourtant à chaque fois je suis surprise : la randonnée itinérante transforme le temps. Celui-ci s’étire, se découpe différemment. Je me concentre davantage sur le moment présent. Outre les besoins fondamentaux (manger, se laver, dormir), je me focalise sur des choses auxquelles je ne pense pas d’habitude : trouver mon chemin et guetter les balises du GR, regarder la carte sur mon topo-guide, essayer de repérer les points d’eau et les endroits où je pourrais m’installer pour la nuit, réfléchir à la nourriture que je prendrai avec moi quand je trouverai un lieu où je pourrai me ravitailler…

Je découvre mon environnement au fur et à mesure que j’avance. L’inconnu se dessine devant moi, avec son lot de surprises et d’imprévus. C’est excitant, c’est satisfaisant. Ma vie quotidienne, plus routinière, est laissée en suspens. Je suis dans une bulle hors du temps, je vagabonde à mon rythme et au gré de mes envies. Je m’extirpe hors du monde pendant quelques jours, et c’est une grande bouffée d’air frais qui m’emplit les poumons.
Après tous ces confinements et ces couvre-feu, cet immobilisme forcé, ces restrictions qui m’ont beaucoup pesé, quel sentiment de bien-être et de liberté j’éprouve à cheminer et à dormir en pleine campagne ! Je satisfais un besoin vital, fondamental.
Nous, êtres humains, sommes conçus pour la marche et l’endurance. Je suis de plus en plus convaincue que pour notre épanouissement personnel, ainsi que notre santé à la fois physique et mentale, il est nécessaire de marcher dans la nature pendant au moins une journée, ou, encore mieux, pendant plusieurs jours d’affilée.
Le bivouac : un moyen de se rapprocher de son état sauvage
Dormir dehors change beaucoup l’expérience de la randonnée itinérante.
L’immersion est complète, encore plus forte.
Que ce soit avec une tente, un tarp, un hamac, à la belle étoile… Bivouaquer, c’est s’imprégner pleinement de son environnement. On emprunte un endroit à la nature, aux habitants des lieux dans lesquels on s’installe pour la nuit. N’oublions pas de les remercier de nous accueillir, ils nous le rendront bien !
Dormir dehors fait surgir des sentiments ancestraux et archaïques. Des peurs peuvent paraître à la surface.
Je me rends compte d’à quel point je suis vulnérable, exposée. Mon cerveau le sait bien : les nuits de bivouac sont rarement très reposantes. Je suis bien plus aux aguets que d’habitude, à l’affût du moindre bruit. Mes nuits sont entrecoupées : je dors une heure ou deux, je me réveille, je me rendors pour une heure ou deux, je me réveille à nouveau…

La nuit, le moindre bruissement est amplifié. L’imagination peut s’affoler, et souvent de manière irraisonnée. Pour mon premier bivouac sur le GR, je m’installe en lisière d’un petit bosquet, en bordure d’un champ de blé. Le village le plus proche doit être à environ une demi-heure de marche.
Je ne pensais pas qu’il y aurait autant d’animaux dans un bois aussi clairsemé, et pourtant !
Des lièvres peu farouches viennent me rendre visite au coucher du soleil. Une fois le ciel entre chien et loup, juste avant d’aller me coucher, je crois entendre un sanglier rôder dans les environs – mais je n’en suis pas sûre, car j’ai du mal à identifier les grognements de l’animal.
Mais une fois la nuit pleinement tombée, les bois deviennent plus silencieux. J’entends quelques motos vrombir sur une départementale au loin. Les basses d’une fête, ou d’une boîte de nuit, me parviennent. La lune est puissante, brillante, éclairant le bosquet à la manière d’un projecteur de cinéma.
Je ne suis aucunement dérangée pendant cette nuit de bivouac, ni pendant la suivante, que je passe à la belle étoile en bordure d’un champ, un peu à l’écart d’un village.
En France, ainsi que dans la plupart des pays d’Europe, il y a très peu de chances de se faire attaquer par des animaux, surtout si l’on dort. Ils peuvent être curieux, ou vivre leur vie à côté de nous ; mais il faut surtout se dire que c’est une chance de les voir d’aussi près.
Me remettre à la pratique du bivouac était un vrai défi pour moi au début de cette aventure, mais je peux dire que je l’ai relevé haut la main. Je me sens forte, capable, débrouillarde, libre.
Et une chose est sûre : je souhaite renouveler l’expérience.
Cette randonnée sur le GR Pays des Yvelines a été une très belle aventure pour moi.
La nature est vraiment aux portes de Paris : il suffit de le savoir, de se motiver un peu pour prendre la voiture ou les transports en commun, de s’équiper de manière adéquate, et en route !
Je ne peux que vous conseiller l’expérience. Ne serait-ce que le temps d’un week-end, pour vous rendre compte qu’il est tout à fait possible de se sentir dépaysé en Île-de-France.
Au final, même si je ne suis partie que quelques jours, j’ai eu l’impression d’avoir marché pendant des semaines. C’est la magie de la randonnée itinérante.
À vous de la ressentir à votre tour…
À bientôt.