Chemins de Stevenson/Régordane

Pendant l’été 2019, j’ai marché sur le chemin de Stevenson (GR 70) et j’ai terminé mon parcours sur un tronçon du chemin de Régordane (GR 700). Les deux sentiers traversent les départements de la Haute-Loire, de la Lozère et du Gard. Faire le parcours en entier m’a pris deux semaines.

Le GR 70 tient son nom de l’écrivain Robert Louis Stevenson, qui a lui-même créé ce tracé et en a écrit un récit, Voyage avec un âne dans les Cévennes. Le chemin est long de 252 km et sillonne à travers la magnifique chaîne montagneuse des Cévennes. Le GR commence au Puy-en-Velay, même si historiquement il débute au Monastier-sur-Gazeille, à environ 20 km du Puy.
Devenu très populaire et reconnu comme l’un des plus beaux GR de France, le chemin de Stevenson a eu, ces dernières années, une fréquentation équivalente à celle de la voie du Puy, le chemin de Compostelle français le plus connu.

Source : randonnee-occitanie.com

Le chemin de Régordane, ou chemin de Saint-Gilles, commence lui aussi au Puy-en-Velay, et traverse les Cévennes presque en parallèle du chemin de Stevenson pour le rejoindre à Alès. Long de 240 km, le GR 700 descend plus bas, dans le Gard. Ce sentier, beaucoup moins connu, est peu fréquenté.
Je n’en ai fait qu’une portion, celle entre Alès et Saint-Gilles-du-Gard, la fin du chemin. Je ne pourrai donc en parler que partiellement.

Source : www2.ffrandonnee.fr

Mais, avant même de décrire les étapes plus en détail, je peux déjà faire cette affirmation : tout le long de la randonnée, j’en ai pris plein les yeux !

Le Puy-en-Velay > Langogne

Retour au Puy-en-Velay, deux ans après avoir commencé mon premier chemin de Compostelle. Mais si les deux GR démarrent au même endroit, ils n’ont aucun tronçon commun.

Dans cette première partie, on traverse d’abord le plateau du Velay, aux reliefs moins accidentés que dans les Cévennes et aux couleurs douces. À cette altitude, les matins et les nuits peuvent être frais, même en été (je me souviens de certaines matinées à 10°C). Ce qui, en cet été 2019 frappé par une vague caniculaire, était tout à fait appréciable.

Il y a rapidement de beaux panoramas sur la vallée. On passe par de jolis villages, tels que Goudet ou Pradelles.

Mais si je me souviens bien de cette partie du chemin, c’est aussi parce que la semelle d’une de mes chaussures de randonnée s’est entièrement décollée !
Elle avait commencé à s’enlever en partie pendant que je marchais entre Le Monastier-sur-Gazeille et Le Bouchet-Saint-Nicolas. J’ai passé la journée entière à chercher des bouts de ficelle par terre pour maintenir la semelle attachée à ma chaussure, car ça m’handicapait beaucoup dans ma randonnée (je trébuchais tout le temps, c’était pénible !).

Arrivée au Bouchet, j’ai pu m’acheter de la glu dans une supérette et j’ai tenté de réparer ma chaussure.
Le lendemain matin, elle a tenu… Environ quinze minutes, avant que la semelle ne s’enlève complètement.
Dépitée (et en même temps, il y avait de quoi en rire), j’ai dû m’équiper de mes claquettes et faire du stop pour qu’on me ramène au Puy-en-Velay, où j’ai pu m’acheter en catastrophe une autre paire de chaussures de randonnée à Décathlon.

Goudet, Haute-Loire

Ce n’est jamais conseillé de partir en randonnée itinérante avec des chaussures neuves – on ne les a pas “cassées“, comme on dit dans le jargon. Encore rigides, elles risquent de nous créer des ampoules. Mais là, je n’avais pas la choix.
Je suis donc repartie en stop jusqu’à Pradelles, où j’ai pu terminer mon étape du jour en arrivant à Langogne, l’une des plus “grosses“ communes que le chemin traverse (environ 2500 habitants). L’aventure, ça comporte aussi des imprévus !

Langogne > Le Bleymard

À partir de Langogne, le chemin de Stevenson commence à vraiment entrer dans les Cévennes. Les reliefs sont de plus en plus palpables, le sentier devient plus sportif, les paysages plus montagnards. Ce qui m’a marquée, c’est la verdure de ses collines, la luxuriance de la végétation et des herbes hautes bordant les chemins. J’ai trouvé que ça adoucissait l’ensemble et que c’était un vrai plaisir pour le regard.

Les Cévennes constituent un parc national à la faune et à la flore très riches. Il y a plusieurs zones protégées au sein du parc, et celui-ci est désigné comme une réserve de biosphère de l’UNESCO. Il y a donc une réglementation spécifique à respecter quand on se trouve dans le cœur du parc – notamment ne pas pratiquer la cueillette de plantes n’importe comment, ou ne pas s’aventurer trop en-dehors des sentiers balisés, pour éviter un piétinement de la végétation fragile.

Parmi les lieux intéressants de ce tronçon, il y a le hameau de Luc et les ruines de son château qui dominent la vallée (j’ai d’ailleurs eu droit à une visite guidée gratuite, initiée par l’hôte de l’un des gîtes d’étape).
Il y a aussi l’abbaye Notre-Dame-des-Neiges, culminant à 1081 m d’altitude. Son histoire est intéressante, mais le bâtiment actuel est sans grand intérêt, car l’ancien a été détruit lors d’un incendie en 1912.
Enfin, il y a le viaduc de Mirandol, toujours emprunté par la ligne ferroviaire circulant entre Mende et La Bastide.

Mirandol, Lozère

Le Bleymard > Florac

Le Bleymard est un joli village se situant au pied du Mont Lozère.
Le Mont Lozère est le point culminant du GR 70, à 1699 m. Quand on arrive au sommet de Finiels, on a un superbe panorama sur les Cévennes (et par temps clair, on peut même apercevoir le Mont-Blanc, mais je ne me souviens pas l’avoir vu).

L’ascension du Mont Lozère est très agréable : le chemin serpente entre la bruyère et les herbes hautes, offrant une certaine douceur au paysage. Le sommet du mont est plus pelé : l’herbe est rase, la roche surgit, l’espace n’est pas protégé du souffle du vent. On sent mieux la rudesse du climat, et on peut avoir un aperçu de ce que serait la toundra…

En descendant de l’autre côté du versant, le climat change radicalement. Si les matinées et les soirées étaient fraîches au nord du Mont Lozère, les températures baissent à peine au versant sud. Je me souviens que ça m’a vraiment frappée. On se rapproche du département du Gard, qui est connu pour être une “cuve“ en été. Je me rappelle certaines nuits où j’avais vraiment du mal à m’endormir à cause de la chaleur.

Le chemin évolue ensuite dans un paysage à la fois vert et rocailleux, en longeant des gorges et de charmantes rivières en contrebas – n’hésitez pas à piquer une tête !
Le GR passe notamment par le très joli village du Pont-de-Montvert, pour lequel j’ai eu un coup de cœur.
Florac est une commune mignonne et agréable au pied des collines, et comme pour Langogne, on y trouve tous les commerces nécessaires.

Le Pont-de-Montvert, Lozère

Florac > Alès

J’ai trouvé que cette portion du GR 70 était la plus physique. Tout aussi belle que les autres, mais plus difficile (surtout avec cette chaleur estivale).

Après le joli village de Saint-Étienne-Vallée-Française, on grimpe le col Saint-Pierre, dont la montée, quoique peu technique, a été rude pour moi. J’étais essoufflée ! L’étape est assez raide, mais c’est surtout la lourdeur de l’air qui ne m’a pas facilité la tâche. Il faisait facilement 35°C ce jour-là. Avec des températures plus clémentes, je pense que la montée de ce col ne présente pas spécialement de difficultés, à part que c’est sportif.

Saint-Germain-de-Calberte, Lozère

Historiquement, le chemin de Stevenson se termine à Saint-Jean-du-Gard, un très joli village sur les flancs du Gardon. La plupart des gens arrêtent leur randonnée ici et se rendent à Alès en car. Mais moi, je tenais à la faire à pied. À part mon topo-guide, assez évasif, personne ne pouvait me renseigner sur ce tronçon – parce que PERSONNE ne le fait.

Eh bien je peux vous le dire : c’est de loin l’étape la plus physique et la plus technique de tout le GR.
J’ai trouvé qu’il y avait un véritable contraste avec le reste du chemin, et j’en ai voulu à mon topo-guide de ne pas m’avoir plus prévenue de la difficulté de cette portion.
Le sentier traverse les derniers remparts des Cévennes, ce qui vaut le coup. Mais la montée pour arriver au chemin de crête est longue, très exposée au soleil (la voie a été élargie pour laisser passer les gros engins de travaux, à ce que j’ai compris).

Ensuite, dans toute la partie des crêtes, qui est pas mal en montagnes russes (on monte, on descend, on remonte…), il y a beaucoup de passages escarpés où il est nécessaire de s’aider de ses mains. Il faut être attentif au balisage, car on peut rapidement se retrouver en mauvaise posture, à flanc de falaise.
Et bien sûr, il n’y a aucun point d’eau sur plus du 20 km.
Autant vous dire que j’étais assoiffée à la fin de l’étape (encore une journée à plus de 30°C) !

Je pense qu’on peut bien profiter de cette portion quand on sait à quoi s’attendre, car elle est belle. Par contre, elle tranche vraiment avec le reste du GR par sa technicité.
Si jamais les parties de semi-escalade vous font peur ou que vous ne vous sentez pas en forme physique, il y a toujours la possibilité d’emprunter la variante faite pour le passage des ânes.

Alès > Saint-Gilles-du-Gard

Après toute cette beauté dont je me suis gavée dans les Cévennes, le contraste avec la commune d’Alès est… Déconcertant. Je trouve qu’Alès n’est vraiment pas une belle ville, très industrielle, avec un passé minier qui a laissé des traces. J’ai souhaité m’en aller d’ici au plus vite.
C’est à partir de ce moment que j’ai entamé le dernier tronçon du chemin de Régordane.

La sortie d’Alès n’est pas agréable non plus, il faut un certain temps avant de se retrouver dans la nature.
D’autant plus que j’ai dû marcher les cinq derniers kilomètres en claquettes, car l’étape de la veille et mes chaussures neuves m’ont créé une énorme ampoule sur le petit orteil, comme je n’en avais jamais eue ! Je n’étais pas dans la meilleure des formes en arrivant au village de Vézénobres, mais la beauté des lieux m’a tout de suite redonné le sourire (et les soins d’une gentille pharmacienne, aussi).

Vézénobres, Gard

Je n’ai pas trouvé le reste du GR 700 très palpitant – à mon avis, la partie cévenole est plus jolie.
Une fois dans le Gard, le chemin est très plat, très exposé aux forts rayons du soleil, et traverse surtout des vignes. Il y a tout de même quelques beaux passages, comme les gorges du Gardon.
Le sentier traverse la jolie ville de Nîmes, dont le centre-ville, notamment connu pour ses arènes, est à visiter.

Le GR 700 se termine à Saint-Gilles-du-Gard, un sympathique village dont l’abbatiale Saint-Gilles à la façade claire vaut le détour.
J’en ai profité, le jour suivant, pour me faire emmener à Arles (le chemin entre Saint-Gilles-du-Gard et Arles longe une route sur environ 20 km… J’ai préféré éviter), une très jolie ville, où se tenait à ce moment-là son réputé festival de la photographie, Les rencontres d’Arles. Une bonne façon de terminer mon aventure !

Je garde de merveilleux souvenirs du chemin de Stevenson. C’est un superbe GR, plutôt sportif, qui passe au travers de magnifiques paysages et qui nous offre régulièrement des points de vue à couper le souffle. Plus que les villages, dont certains sont très jolis il est vrai, c’est la beauté de la nature qui m’a marquée. Je recommande fortement.
Je pense que pour une expérience plus plaisante, on peut parcourir ce GR au printemps ou au début de l’automne. Durant l’été, la chaleur peut être écrasante (j’en témoigne), et l’hiver est rude – d’autant plus que beaucoup de gîtes d’étape ferment pendant la saison hivernale.

Quant au chemin de Régordane, je pense que j’en ai parcouru le tronçon le moins intéressant, malgré quelques beaux endroits. Peut-être qu’un jour le commencerai-je à son début, au Puy-en-Velay : je sais que le GR 700 passe par de très beaux villages médiévaux, notamment La Garde-Guérin, et le fait que ce chemin soit beaucoup moins fréquenté que celui de Stevenson peut présenter pas mal d’avantages.


Si vous souhaitez en savoir plus sur ces GR, j’en ai réalisé un documentaire vidéo. Vous pouvez le visionner sur ma chaîne YouTube.