Après une randonnée de trois jours sur le GR Tour du lac d’Annecy en 2018, que j’avais beaucoup appréciée, mais qui m’avait confrontée à mon manque d’expérience en terrain montagnard, je suis revenue plus humblement à des marches sur des chemins plus accessibles, moins techniques.
J’ai fait de belles randonnées itinérantes par la suite, comme les chemins de Stevenson et de Régordane, ou encore le Camino Francés en Espagne.
Cette aventure sur le GR dans les hauteurs d’Annecy a laissé en moi un sentiment discret, pernicieux, que j’ai mis du temps à conscientiser et à identifier : je me sentais incapable.
”La montagne, ce n’est pas pour moi. Je ne suis pas capable de randonner dans de tels milieux ; je laisse ça aux marcheurs plus chevronnés et bien plus expérimentés que moi.”
Cette croyance limitante a commencé à s’enraciner en moi, tout doucement. Telle une mauvaise herbe.

Je crois que je m’en suis rendue compte lors de ma randonnée dans le parc national Piatra Craiului, en Roumanie, durant l’été 2021.
Je séjournais dans la ville de Brașov, et j’avais envie d’aller explorer les Carpates. Je suis partie un peu la fleur au fusil, choisissant un sentier de randonnée sur une carte peu précise qu’une Française m’a donnée à l’auberge de jeunesse. Ce chemin était qualifié de niveau ”moyen” : je me suis dit que ça ferait l’affaire. J’ai chaussé mes sandales de marche, réglé mon sac à dos, et j’ai pris le bus en direction du château de Bran, point de départ de la randonnée.
Je crois qu’il s’agit de l’une des randonnées les plus éprouvantes et les plus techniques que j’ai faites. Tout s’est bien passé ceci dit : je ne me suis pas perdue, je ne me suis pas blessée. Mais je n’étais pas préparée. Pentes très raides (je suis plusieurs fois descendue sur les fesses tellement c’était impressionnant), terrain glissant, parties techniques, sentier désert ; le tout seule, dans un pays que je ne connaissais pas et dont je ne parlais pas la langue. Ça faisait beaucoup.
Mais, j’ai réussi. J’ai marché pendant six ou sept heures d’affilée, et je suis arrivée sans encombre à la gare de Zărnești pour rejoindre Brașov. Les Carpates sont belles et sauvages, mais j’étais tellement concentrée et impressionnée pendant ma marche que je n’en ai pas trop profité. Néanmoins, une part de moi était fière d’avoir accompli cet exploit le jour de mon anniversaire.

Cet épisode a laissé en moi une émotion ambivalente.
D’un côté, je me suis aperçue que je n’appréciais pas les portions techniques, et que je n’en retirais aucune satisfaction, aucun plaisir.
De l’autre… Je me suis rendue compte que j’étais bien plus capable que ce que je croyais.
La petite graine était semée – la plante qui allait chasser les mauvaises herbes.
Le Jura : un défi que je me lance
Je me suis procuré le topo-guide sur la Grande Traversée du Jura (ou GTJ) en 2018, peu après ma marche sur le GR Tour du lac d’Annecy, me semble-t-il.
« Sans doute qu’une randonnée dans des montagnes moins hautes serait plus facile pour moi…”
J’ai rangé ce topo-guide avec les autres que je possède, ceux dont je ne me suis pas encore servie sur le terrain, de lointains rêves, des ”un jour, peut-être”. Parmi eux : la Grande Traversée des Alpes, le GR 34 en Bretagne, ou le GR 20 en Corse.
Cet été 2022, j’avais prévu un voyage dans un pays étranger (j’en reparlerai en temps et en heure, car cette aventure aura lieu ce mois d’octobre).
Puis j’ai changé d’avis, à cause des fortes chaleurs et de la sécheresse prévues pour la saison estivale. J’ai alors fureté dans ma maigre collection de topo-guides, et c’est la Grande Traversée du Jura qui m’a fait de l’œil. J’ai senti que c’était le moment de me confronter à nouveau aux montagnes.
Modestement, car il s’agit ici d’un chemin de moyenne altitude. Mais tout de même : 400 km de parcours, avec environ 11 000 m de dénivelé positif en cumulé, ce n’est pas non plus un GR en plein milieu de la Beauce (une région française au relief très plat, si vous ne le saviez pas).

C’était décidé : j’allais me lancer sur la GTJ, en solo, avec mon matériel de bivouac.
Je me suis préparée au mieux, mais un peu au dernier moment. Je n’avais pas envie de trop planifier. Je commence à avoir une certaine expérience de la randonnée itinérante, donc je me suis autorisée à laisser une bonne part à l’inconnu sur ce parcours. Une belle aventure dans le Jura m’attendait…
Plusieurs défis relevés avec brio
Je ne vais pas écrire avec beaucoup de détails tous les obstacles que j’ai franchis, les défis personnels que j’ai relevés. Je vous invite à aller regarder les différentes vidéos YouTube que j’ai réalisées pendant ma GTJ : telles un carnet de bord, elles retracent mes aventures de chaque jour.
Cependant, je vais lister les différents challenges auxquels j’ai eu à faire face, avec de nombreuses ”premières fois” pour moi.
Un chemin physique
De toutes les randonnées itinérantes (de plus d’une semaine) que j’ai faites, la GTJ était la plus sportive. Le GR est souvent au-dessus des 1000 m d’altitude, et certaines journées peuvent atteindre 1000 m de dénivelé positif. Il existe des parcours bien plus exigeants en terme de dénivelés ; mais pour l’instant, ce chemin est le plus physique que j’ai réalisé sur la longueur. Comme je suis sportive et que je sais ménager mes efforts, ça n’a pas été un souci.
Mais le tout était rendu plus difficile à cause de la chaleur, ainsi qu’avec le poids de mon sac à dos, qui à certains moments était très lourd – je ne sais pas combien de kilos il faisait, je n’ai JAMAIS pesé mon sac. Mais je pense qu’il a facilement atteint les 15 kg au pire des cas (peut-être plus… Je ne veux pas savoir. Tant que j’arrive à le porter !).
Un chemin technique
Au-delà de l’effort physique, il y a eu des portions techniques, qui relèvent plus du défi pour moi. Il y a eu des passages avec échelles dans les gorges du Doubs, d’autres avec des mains courantes (des câbles où il peut être nécessaire de s’agripper en descente ou en montée), ou encore d’impressionnants chemins de crête avec des parties de ”semi-escalade”.
Je suis toujours un peu crispée quand je dois emprunter ce genre de passages, surtout si je ne sais pas trop à quoi m’attendre et que je suis seule.
Mais j’ai passé chaque tronçon technique sans problème. Tout simplement en prenant mon temps, en faisant attention à la pose de mes pieds (en sandales de marche peu adhérentes, parce que j’aime bien me rajouter de la difficulté apparemment), en me concentrant sur ma respiration et en me répétant une sorte de mantra d’encouragement.
”Tranquille. Tout va bien. Tranquille. Tout va bien. Tranquille. Tout va bien…”

Le Crêt de la Neige : quand les conditions météo s’en mêlent
Je crois que ma journée la plus exigeante a été celle sur la portion qui fait passer par les Crêts de la Neige et du Reculet, les deux points culminants du massif du Jura (respectivement à 1720 m et 1718 m d’altitude).
De violents orages étaient prévus en fin d’après-midi. L’étape était longue, et pour ne pas me retrouver bloquée là-haut sous la tempête – surtout que les chemins de crête sont particulièrement exposés -, j’ai marché plus vite que d’habitude et je ne me suis presque pas arrêtée. Sept heures de marche sans vraie pause.
Au-delà de la technicité de ce tronçon, la mauvaise météo a été de la partie : je me suis retrouvée en plein dans une purée de pois. Un épais brouillard qui faisait que je ne voyais pas à cinq mètres devant moi. J’ai dû avancer sur ce sentier délicat comme je le pouvais. Parfois le balisage disparaissait, et je devais m’orienter autrement. Le tout à flanc de falaise. Plusieurs fois, je sentais le vide sans le voir (et je crois que c’est pire).
Ce brouillard avait quelque chose d’oppressant, mais je ne me suis pas arrêtée – c’était soit ça, soit l’orage ! ”Tranquille. Tout va bien. Tranquille.” Je suis finalement parvenue à Menthières, ma destination finale de la journée, et les orages ont éclaté peu de temps après (ouf !). Je me suis sentie fière d’avoir réussi à passer cette étape, qui a été impressionnante pour moi sur bien des points. Mais j’ai gardé mon calme, j’ai maintenu le cap, et j’ai relevé ce défi.

Le manque de points d’eau sur certaines portions
À cause de la sécheresse, beaucoup de sources étaient soit taries, soit coupées. J’ai dû parfois transporter jusqu’à 3 L d’eau avec moi pour ne pas me retrouver en mauvaise posture. Cet aspect logistique a rendu la marche plus difficile, mais j’ai toujours réussi à me débrouiller.
C’est lors de cette randonnée que je me suis dit que je pourrais peut-être investir dans un filtre à eau. Je n’y avais tout simplement pas pensé. Je continue d’apprendre…
Les prés, les vaches… Les veaux
Rares sont les randonnées où j’ai eu à passer en plein milieu des prés, et ainsi déranger ces chères vaches qui paissent et dispersent leurs bouses partout. Eh bien, sur la GTJ, c’est monnaie courante. Le nombre de clôtures que j’ai dû ouvrir puis refermer derrière moi, je ne les compte même plus.
Et plusieurs fois, j’ai dû passer à côté de mères et de leurs petits : celles-ci peuvent nous voir comme une menace et devenir agressives.
L’idéal est de faire un grand détour pour les éviter, mais ce n’est pas toujours possible. Je me suis retrouvée quelque fois confrontée à des vaches qui, disons… M’ont fait sentir que je n’étais pas la bienvenue, et se sont approchées un peu trop près de moi. Certaines ont même essayé de me barrer la route !
Je n’en menais pas large, mais j’ai gardé mon calme. J’ai parfois un peu joué de mes bâtons de randonnée pour les dissuader de s’approcher encore, puis j’ai pu continuer mon chemin sans dommages collatéraux. Mais je peux dire que ça a été un autre type d’épreuve pour moi sur cette GTJ !

Pour conclure
Quelle belle aventure que cette Grande Traversée du Jura !
Dix-sept jours de marche – je m’en suis rajouté trois autres pour parcourir la Via Gebennensis, dont je parlerai plus tard. Dix-sept jours de superbes paysages, de bivouacs parfois insolites, de belles rencontres… Et d’épreuves surmontées.
Je dirais que j’ai passé un cap. Pour être précise, je me sens bien plus capable. Capable d’aller encore plus loin, capable de parcourir des milieux montagnards plus exigeants.
Je ne randonne pas dans une optique du ”toujours plus”, ni dans l’idée de souffrir, ni de cheminer sur des terrains hostiles, mais il est vrai que j’aime repousser mes limites. Me dire : ”En fait, peut-être que je pourrais le faire. Si j’essayais ?”
Sans pression. Mais simplement me dire que je serais capable d’y arriver, et qu’il suffit souvent de faire le premier pas. Alors qui sait. Peut-être que ma prochaine randonnée itinérante sera la Grande Traversée des Alpes ? … Ou peut-être pas. Je verrai où mon cœur me dit d’aller.
En tout cas, mon prochain voyage ne sera pas une marche itinérante. J’aime varier les plaisirs.
Mais vous en saurez plus en temps voulu.
À bientôt !

Vos belles expériences de rando donne bien envie de se lancer, pour ma part ça serait le pèlerinage de compostelle avec pour départ Arles (comme je suis sur Grenoble, on m’a conseillé Arles, et d’éviter tant que possible la canicule) donc plutôt mi septembre.. Voilou
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Merci à vous ! Et très beau projet, je vous souhaite une belle marche sur la voie d’Arles !
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