Manifeste

En tant qu’artiste, je m’oppose fermement à l’utilisation de l’Intelligence Artificielle (IA).

Aujourd’hui, l’IA fait des progrès phénoménaux, à une vitesse fulgurante. J’ai l’impression que toute la société plonge la tête la première dedans, sans prendre son temps, sans prendre de recul, sans prendre en compte les conséquences sociales et environnementales dramatiques que son utilisation génère.
Les entreprises, les géants de la tech et les gouvernements investissent des millions dans l’Intelligence Artificielle, et nous, simples citoyen.ne.s, sommes submergé.e.s. Nous sommes obligé.e.s de sauter dans le train en marche, de peur d’être abandonné.e.s sur le bas-côté. Nous n’avons pas le choix, nous devons nous adapter à cette réalité qui s’impose à nous si rapidement, sans nous laisser le temps de souffler. S’adapter, ou mourir.

… Vraiment ?

Non.
Nous pouvons aussi résister.
Exprimer notre profond désaccord. Ne pas nous laisser faire. Tenter de trouver des solutions, des chemins de traverse. Esquiver. Nous enfuir. Nous opposer. Créer des alternatives plus saines et plus viables. Tout est possible, tant que nous ne nous résignons pas. Le seul moyen d’être sûr.e de perdre une bataille, c’est de ne pas la mener.
Je choisis donc de m’opposer fermement à l’utilisation de l’IA dans le milieu de l’art. Et voici pourquoi.

• Le vol d’une vie de travail

L’Intelligence Artificielle fonctionne en accumulant des données, qu’elle traite ensuite. L’IA générative d’images est capable de faire ce qu’elle fait parce qu’elle a accumulé des milliards de données. Mais que sont ces données ? Des millions d’œuvres d’art créées par des artistes humains. Un art que nous, artistes, avons pris toute une vie à façonner. Un art avec lequel nous tentons de « gagner notre vie » (quelle terrible expression) tant bien que mal. L’IA vole les artistes. Les artistes ne touchent pas un centime sur l’utilisation non-consentie de leur travail par l’IA – dans l’indifférence presque totale de la société. C’est terriblement injuste.

• Le manque d’éthique

Les entreprises derrière l’IA ne sont que le prolongement du fonctionnement néo-colonial de notre société. Des millions de travailleureuses alimentent les algorithmes voraces de ces technologies. En effet : pour que l’IA puisse de mieux en mieux gérer les données qu’elle absorbe, et pour qu’elle ne diffuse pas de contenu violent et illégal, il faut… Des humains derrière. Des humains qui font un travail de classification de contenu pour l’IA. Des humains, souvent issus de pays pauvres, qui passent des heures devant un écran à regarder du contenu traumatisant (viols, meurtres, torture, pédocriminalité…), tout en étant extrêmement mal payés. Des personnes qui peuvent être amenées à avoir de sévères troubles de santé mentale, pour que nous, Occidentaux, puissions utiliser l’IA de manière confortable. Je refuse de participer à ça.

À voir : Les sacrifiés de l’IA, documentaire d’Henri Poulain, diffusé par France Télévision

• Les ressources titanesques

L’Intelligence Artificielle n’est pas faite de poussière d’étoiles et de fumée. L’IA demande énormément de ressources, produites par des Data Centers (Centres de Données), dont la création demande de bétonner les sols et d’assécher les cours d’eau. Encore plus, toujours plus. Voici quelques exemples : 21% de l’électricité en Irlande est absorbée par les Data Centers, au détriment des habitant.e.s. En Arizona, l’arrivée des Data Centers de Microsoft a précipité l’annulation de permis de construire pour cause de manque d’eau souterraine et de « sécheresse extrême ». Une extraction massive de métal est requise pour fabriquer les serveurs et les puces (GPU), ce qui génère une pollution locale forte dans les pays concernés (Chine, Kazakhstan, Colombie, Brésil…).
Alors que la septième limite planétaire vient d’être franchie en septembre 2025 (l’acidification des océans), jusqu’où allons-nous ?

Sources : bonpote.com, vert.eco

• Plus qu’un vol de travail : un vol d’âme

Là, je vais parler d’un ressenti plus personnel – et, je pense, partagé par de nombreux.ses artistes. Plus qu’un travail, j’ai l’impression que l’Intelligence Artificielle me vole mon âme. Mon art, c’est bien plus qu’un boulot. Mon art, c’est bien plus qu’un outil. Mon art, c’est une partie de moi. Dans toutes les productions artistiques que je réalise, même de simples petites capsules comiques, même des choses qui ne cherchent ni à être grandioses, ni à révolutionner le monde, je mets une partie de moi. Des morceaux d’âme. L’art est l’une de mes raisons de vivre. Littéralement. Je n’exagère pas. L’IA générative d’images me fait me sentir dépossédée. J’ai l’impression d’être piétinée. J’ai la sensation d’une mise à mort. Je sais que je ne suis pas la seule. Et croyez-moi : c’est terrible à vivre. Terriblement injuste. Pour moi, l’IA ne devrait pas être utilisée de cette manière. L’IA ne devrait pas servir à voler l’âme des personnes, à les traiter comme de simples données remplaçables. L’Intelligence Artificielle est un amas de données. Les êtres vivants NE SONT PAS des données, et ne devraient jamais être traités comme telles.


Voilà pourquoi je me positionne contre l’IA dans le milieu artistique.
Voilà pourquoi je n’utiliserai JAMAIS de contenu généré par IA, ni ne l’encouragerai.
Voilà pourquoi je suis inquiète aujourd’hui.

Sur mon site, et dans l’intégralité de mon travail, vous ne trouverez pas d’Intelligence Artificielle.

Sur ce, je vous laisse avec une superbe vidéo de la série Doc doc doc, réalisée par le génial Nicolas Houguet et produite par le média BLAST : « IA, une des pires menaces pour l’humanité ».